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Chronique de NIGHTWISH .:. Endless Forms Most Beautiful (2015)

Qu'il fait du bien, en ces temps obscurs, de retrouver Nightwish avec un album dont la surprise essentielle est qu'il est engagé scientifiquement. N'hésitant pas à mettre en avant ses mentors, Tuomas Holopainen assume en effet son propos en composant plusieurs morceaux consacrés à la théorie de l'Evolution, un bonus track consacré à l'astronome Carl Sagan, et une oeuvre entièrement encadrée par des citations du célèbre biologiste Richard Dawkins.

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Chronique réalisée par Guillaume, publiée le 18 novembre 2015.

Au premier abord, cet album surprend par sa faculté étonnante à remettre en cause les rapports de force au sein du groupe.

Photo promo Tuomas Holopainen (NIGHTWISH)

Le premier morceau, « Shudder Before The Beautiful », est une bonne entrée en matière puisqu'il donne rapidement le ton et les priorités de l'album, tout en étant un des morceaux les plus plaisants de Endless Forms Most Beautiful. Il apparaît évident que Tuomas a fait preuve de plus de simplicité : tandis que les orchestrations sont moins présentes (le plus souvent, on les retrouve sur les refrains uniquement), les guitares redeviennent un élément central de la composition. On retrouve en effet les solos de guitare, devenus anecdotiques depuis deux albums, et un son sans concession, de nouveau plus heavy. En résulte un titre très catchy (mené par Floor seule au chant) et engageant pour la suite de l'écoute. Et d'ailleurs, bien qu'il s'agisse d'une des pistes les plus longues de l'album, on est surpris de la vitesse à laquelle passe ces six premières minutes.

La suite de l'album se situe dans cette bonne moyenne, quoiqu'un peu en dessous de cette mise en bouche. Les traits sont soulignés : il y a effectivement plus de guitare, plus de clavier, plus de simplicité, moins d'orchestration, mais également un peu moins de Marco au chant. Au cours de l'écoute, il m'apparaît progressivement évident que cet album se présente comme une sorte de chaînon manquant entre Once et Dark Passion Play.

Sur le plan des ambiances, la diversité est préservée et on distingue plusieurs ambiances : celtique (« Edema Ruh » et surtout « My Walden » dont la seconde partie instrumentale est très enthousiasmante), arabisante (« The Eyes of Sharbat Gula » qui semble tout droit sortie du projet The Life And Times Of Scrooge de Tuomas), ou encore un mélange surprenant de guitare folk et de chœurs grégoriens (durant les couplets de « Weak Fantasy »). Troy est bien sûr en grande partie responsable de ces tendances et on peut sans doute lui imputer la présence de flûte, percussions (bodhran), violon, mais aussi d'un nouveau type de chant, plus feutré, utilisé en voix principale (notamment un côté troubadour sur « My Walden » qui m'a rappelé l'ambiance de « The Bard's Song » de Blind Guardian) ou dans des chœurs masculins (en particulier sur les titres d'inspiration celtique mais pas seulement). Au final, Troy aura posé sa marque sur une bonne moitié de titres de cet album.

La guitare et le clavier sont les deux instruments qui réveillent le plus les souvenirs : au cours de l'album, il m'est arrivé régulièrement de penser à d'anciens titres comme « Dark Chest Of Wonders » (en particulier son introduction), « Slaying The Dreamer » (avec ses guitares lourdes et les riffs très directs de Emppu), Sacrament Of Wilderness (battle de solo clavier/guitare). Tuomas varie les ambiances au clavier en alternant des sonorités anciennes (plus proche du synthétiseur) et des sonorités plus récentes (piano classique).

Lyric video de Endless Forms Most Beautiful (NIGHTWISH), 2015

Les lignes de guitare sont vraiment l'aspect incontournable de Endless Forms Most Beautiful : lorsqu'elles ne sont pas heavy (comme par exemple dans le titre éponyme « Endless Forms Most Beautiful ») ou mises à contribution dans des solos (« Shudder Before the Beautiful », « Alpenglow ») dont on avait fini par faire le deuil sur les deux derniers albums, elles sont atmosphériques, planantes, feutrées, comme c'est notamment le cas sur « Our Decades in the Sun » qui m'a rappelé les ambiances sonores de certains titres de Pink Floyd (« Marooned ») ou Dire Straits (« Brothers In Arms »).

Du côté de la batterie, Kai se révèle être une parfaite doublure de Jukka sur cet album : rien ne présage à priori d'un changement de musicien derrière les fûts. Mon intérêt s'est d'ailleurs porté sur le jeu de batterie de « Yours Is an Empty Hope » dont une séquence mid-tempo de ce morceau n'était pas sans me rappeler le final de « Beauty Of The Beast ». Par ailleurs, la basse de Marco se distingue très nettement sur le morceau « My Walden », mais se révèle plus en retrait sur le reste de l'album.

Pour finir sur le plan instrumental, le chant est sans doute l'aspect offrant le moins de surprise. Floor n'est pas exactement là où je l'attendais : elle est souvent utilisée dans un registre similaire à celui d'Anette, et rarement dans un registre purement lyrique, mais elle fait tout de même preuve de diversité (quelques mises en scène ici ou là, notamment une voix de cow-boy sur « Yours Is an Empty Hope », un final très convaincant sur « Edema Ruh » ou ses nombreuses variations sur « Alpenglow »). Sur ce plan, on est plutôt resté dans l'ère post-Tarja avec un chant généralement plutôt pop ou rock. De prime abord, Marco semble moins présent en lead-singer sur cet album (à priori, pas plus d'un morceau sur deux).

Les chœurs sont présents, toujours utilisés à bon escient, ajoutant de la profondeur à un album un peu plus sobre que ses prédécesseurs, et rappelant que Dark Passion Play et Imaginaerum ne sont pas complètement de l'histoire ancienne : « Elan » représente bien cette tendance même s'il s'agit d'un premier single un peu moins convaincant que « Storytime ». Comme sur la plupart des derniers albums, on retrouve également des chœurs d'enfant (notamment sur « Our Decades in the Sun » et « The Eyes of Sharbat Gula »).

Reste à évoquer « The Greatest Show on Earth » qui est un monument à lui tout seul ne serait-ce que par sa longueur inégalée dans la discographie du groupe. Tuomas signe un morceau très dramatique, au sens de la mise en scène : les bruitages nombreux (le choc des astres, les pierres qui s'entrechoquent, les animaux, le bruit des vagues...) et les interventions narratives de Richard Dawkins (dont on a eu un avant-goût sur « Shudder Before the Beautiful ») ponctuent les différentes parties. Entamée sobrement au piano seul, puis agrémentée de flutes, de chœurs et de nappes de clavier rappelant l'époque Century Child, l'histoire est doucement déroulée et le morceau gagne en intensité : le duo Floor et Marco occupe l'espace, sur fond de guitares de plus en plus imposantes et lourdes. Ce titre est une des rares occasions pour Floor d'utiliser sa voix lyrique. Ainsi, « The Greatest Show on Earth » est un véritable hymne à la planète Terre et s'impose comme une des pièces maîtresses de l'album et de la discographie du groupe par sa longueur inhabituelle, son propos scientifique, sa construction, et surtout, son intensité...

Floor Jansen à l'occasion de notre interview à Paris, le 9 février 2015

Pour peu que l'on s'attarde sur les paroles, on réalise à quel point cet album est bénéfique, car dans une certaine mesure, il remet l'Humanité à sa place. Or, aujourd'hui, tout ce qui amène à la réflexion est bon à prendre.

D'autre part, contrairement à ses prédécesseurs, et malgré sa simplicité, force est d'admettre que Endless Forms Most Beautiful est un album de 78 minutes difficile à appréhender dès les premières écoutes, tant il est dense. Bien qu'il se dégage une volonté évidente de revenir à d'anciennes recettes de Nightwish (guitare omniprésente, son plus heavy, Marco plus en retrait, moins d'orchestration), l'album ne tourne pas le dos aux choix que le groupe a été amené à faire plus récemment (chant pop, inspiration celtique et folklorique, album de plus en plus long). Avec l'arrivée de Troy et Floor, deux personnalités très appréciées pour différentes raisons, peut-être enfin verra-t-on une réconciliation des fans de Nightwish, toute époque confondue.

Note de l'album : 5/5

Tracklisting et extraits de l'album

Date de sortie : 27 mars 2015

Membres du groupe :

  • Floor Jansen (chant)
  • Tuomas Holopainen (clavier)
  • Marco Hietala (basse, chant, guitare)
  • Emppu Vuorinen (guitare)
  • Kai Hahto (batterie)
  • Troy Donockley (cornemuse, flûte irlandaise, chant)