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Chronique de NIGHTWISH .:. Imaginaerum (2011)

Tant de critiques essuyées à chaque étape de leur discographie... Jugés en fin de vie dès Century Child, le moins qu'on puisse dire c'est que les Finlandais savent faire mentir la critique. Peu de groupes ont su faire face comme Nightwish à deux changements de line-up, dont un majeur. Malgré quelques dommages collatéraux (en particulier la perte de la figure emblématique du groupe, et la déferlante médiatique qui s'en suivit, surtout en Finlande), Nightwish continue son ascension, guidé par un Tuomas plus habité que jamais par sa passion du métal et des musiques de film.

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Chronique réalisée par Guillaume, publiée le 13 décembre 2011.

D'emblée, à l'écoute de l'album, une chose est sûre : on n'est finalement pas mécontent que les mauvaises ondes perceptibles sur Dark Passion Play soient de l'histoire passée. Finies les « Bye Bye Beautiful » et autre « Master Passion Greed », véritables exutoires pour Tuomas, encore un peu sonné d'en être arrivé à devoir évincer Tarja pour résoudre quelques problèmes internes.

Cependant, jamais un album de Nightwish me sera apparu aussi complexe à décortiquer, tant les influences, les variations et les thèmes musicaux sont nombreux. D'autant que plusieurs lectures sont possibles : il y a l'album, le projet de film pour lequel il viendra en support, l'évolution au sein d'une discographie déjà bien remplie, ou la place de chaque instrument, rarement identique d'un album à l'autre. C'est ce qui en fait sa richesse, sa profondeur et sa complexité. Comme il me parait réducteur de s'en tenir à un simple track-by-track, passer en revue chaque membre du line-up devrait offrir une vision d'ensemble plus juste et aboutie.

Le chant est naturellement très important puisqu'il faisait déjà clivage à l'arrivée de Marco, mais génère des débats interminables depuis la venue d'Anette, plutôt laborieuse en début de tournée, puis nettement plus convaincante au fil des dates. Quoiqu'il en soit, le chant d'Anette se révèle plus varié, non pas qu'elle se soit essayée au lyrique mais la richesse d'Imaginaerum lui donne l'occasion d'être dans la mise en scène : tantôt un chant enfantin sur « Storytime », tantôt celui d'une sorcière dans « Scaretale », on retrouve également ses magnifiques envolées (entendues dans « Meadows Of Heaven » sur Dark Passion Play) avec des titres aussi classieux que « Rest Calm » (qu'on pressent mémorable s'il est chanté avec le public), et un final magistral sur « Last Ride Of The Day ». On la confondra également avec Candice Night de Blackmore's Night, le temps d'écouter le très celtique « The Crow, The Owl And The Dove », et surtout « Turn Loose The Mermaids ».

Clip vidéo de Storytime (NIGHTWISH), 2011

Marco est magistral d'un bout à l'autre de l'album : il est évident que Tuomas entrevoit aujourd'hui parfaitement toute l'étendue des possibilités offertes par le chant rocailleux du bassiste. Ainsi, on ne sera pas surpris de retrouver toute la maîtrise de Marco dans des postures qu'on lui connaît déjà au sein de Tarot ou de Northern Kings. Marco n'était déjà plus un chanteur d'appoint depuis Once, mais si le clou était enfoncé avec Dark Passion Play, il est désormais littéralement pulvérisé avec Imaginaerum. On retiendra notamment « Ghost River » et « Last Ride Of The Day » pour sa puissance, ou « Scaretale » pour sa maestria en tant que Mr Loyal. Preuve qu'une page s'est tournée : à l'époque de Once, Tuomas refusait d'entamer un concert avec « Planet Hell » (Once), pourtant un bon morceau d'introduction, mais mettant Tarja un peu trop en retrait à son goût. Aujourd'hui, le compositeur n'hésite pas à positionner « Taikatalvi » (« Magie de l'Hiver »), petite comptine chantée par Marco, seul, en tête du tracklisting.

Sur le plan instrumental, avec l'aide de Pip Williams (à l'origine du morceau « Imaginaerum », totalement orchestré et conçu pour le générique du film), Tuomas maîtrise parfaitement la présence des chœurs et des orchestrations : il sait aussi bien les mettre en sourdine ou en retrait, qu'au centre de la composition. Quelques notes de « Scaretale » suffisent pour réaliser que ce morceau s'inscrit dans tout ce que Nightwish a de plus traditionnel depuis une décennie. Le titre se rapproche d'ailleurs de « The Poet And The Pendulum » : on retrouve les chœurs en introduction et en fin de titre, les orchestrations accompagnent quant à elles les moments les plus épiques du morceau. Avec « Slow Love Slow », sorte de « Balrog Boogie » (Diablo Swing Orchestra) sous prozac et valium réunis, Tuomas compose une pièce assez déroutante, aux accents jazz immanquables. « Song Of Myself » surprend également : musicalement très classique (on pensera à « Beauty Of The Beast »), Tuomas s'inspire des poèmes de Walt Whitman et distribue à ses proches une compilation de citations à prononcer durant la deuxième moitié du morceau. Enfin, l'influence de Danny Elfmann se fait sentir de part en part de l'album. Le compositeur semble d'ailleurs de plus en plus délaisser les sonorités de clavier aux profits de celles d'un véritable piano. Les claviers viennent le plus souvent seulement en appoint d'un autre instrument.

Marco pendant le Summer Camp de Nightwish en 2010

Souvent décrites comme sous exploitées depuis l'album Oceanborn, les guitares d'Emppu sont plus présentes que sur Dark Passion Play. Les envolées au clavier cèdent plus souvent leur place à un jeu de guitare plus ample, et présenté en des doses moins homéopathiques. Les soli sont plus nombreux : on remarquera ceux de « Last Ride Of The Day » et « Rest Calm », mais aussi celui de « Slow Love Slow », plus feutré (dans l'esprit de ce que propose Mark Knopfler avec le groupe The Notting Hillbillies). Mais on aimerait bien sûr en avoir plus... Quelques touches Hard FM se distinguent dans l'album, notamment dans « I Want My Tears Back » (sans doute l'influence de Brother Firetribe, le projet parallèle du guitariste) et « Ghost River » dont le riff d'introduction semble tout droit inspiré de Van Halen (« Ain't Talkin' 'bout Love »).

Le jeu de Jukka est servi par une composition aux rythmes variés : assez rare pour être signalé, il s'adonne même à de la double pédale de grosse caisse sur « Scaretale ». Bien souvent il ne fait qu'un avec les percussions de l'orchestre symphonique, elles aussi variées (orientales sur « Arabesque »). Pour coller à l'ambiance jazzy, Jukka délaisse ses baguettes sur « Slow Love Slow » au profit de « balais » ce qui contribue à l'ambiance feutrée du morceau.

Considérer Imaginaerum comme un concept album est un abus de langage : il s'agit avant tout d'une bande originale de film. On ne retrouve donc pas tous les mécanismes d'un véritable concept (par exemple, « Song Of Myself » sera absent du film, et le tracklisting ne semble pas respecter à tout prix la chronologie du film), même si un thème central (le même depuis toujours : celui de l'innocence) se dessine au fil des chansons. Par conséquent, il n'est pas évident d'entrevoir l'homogénéité de l'ensemble tant les ambiances sont variées. Tuomas semble néanmoins avoir tout donné sur Imaginaerum. Son amour pour les atmosphères propres aux univers de Walt Disney (Peter Pan, Alice aux Pays des Merveilles, The Haunted Mansion de Disneyland) ou de Tim Burton (Big Fish, Beetlejuice, Les Noces Funèbres) est éclatant et sans concession. On aura peut-être même pensé à The Imaginarium of Doctor Parnassus de Terry Gilliam.

Layout de l'album Imaginaerum (NIGHTWISH)

La difficulté majeure des albums de Nightwish, réside dans le fait qu'ils s'inscrivent dans un tout : pris indépendamment les uns des autres, ils peuvent sembler exagérément éclectiques (influences folkloriques, celtiques, orientales, classiques, cinématographiques), voire même présomptueux (la production irréprochable n'y est sans doute pas pour rien). Mais le véritable concept se dessine au travers de la discographie toute entière de Nightwish. Il se nourrit de l'actualité (« The Kinslayer » sur Wishmaster), de la médiatisation oppressante du groupe (« Slaying The Dreamer » sur Century Child), de la bulle familiale (« Meadows Of Heaven » sur Dark Passion Play), d'un hommage (« Higher Than Hope » sur Once)... Ainsi si les thèmes peuvent sembler n'être qu'effleurés sur Imaginaerum, ils apparaissent bien plus consistant à l'échelle de la discographie toute entière.

Imaginaerum est en définitive un album riche et varié, mais qui ne se dompte pas dès la première écoute. Le traditionnel « ventre mou » tant redouté est bien présent en deuxième moitié d'album mais s'avère plus intéressant que d'accoutumé tant les influences celtiques apportées par Troy Donockley habitent avantageusement chaque morceau mid-tempo. Cependant, il est à parier qu'on distinguera toute la dimension du concept de Tuomas lorsque le film réalisé par Stobe Harju (auteur du videoclip de « The Islander ») sera commercialisé et sur grand écran.

Note de l'album : 5/5

Tracklisting et extraits de l'album

Date de sortie : 5 décembre 2011

Membres du groupe :

  • Anette Olzon (chant)
  • Tuomas Holopainen (clavier)
  • Marco Hietala (basse, chant)
  • Emppu Vuorinen (guitare)
  • Jukka Nevalainen (batterie)