Guillaume : Une grande partie de vos clips sont réalisés par l'équipe d'Ivan Colic (« Sacrimony », « My Confession », « Rule The World, « Ghost Opera »). Sur l'album Haven, c'est également le cas de « Insomnia » et « Liar Liar ». Peux-tu nous en dire plus sur votre collaboration ?
Thomas : La première fois que nous sommes allés à Belgrade, c'était pour travailler avec lui sur l'album Ghost Opera. Nous avions une idée pour la chanson « Ghost Opera ». Comme le résultat était époustouflant, nous avons travaillé ensemble sur les scripts et avons parlé des idées que nous avions pour les éléments visuels de « Insomnia » et « Liar Liar ». Il reste pas mal de modifications à faire après chaque première version qu'ils nous montrent. Par exemple pour « Liar Liar », ce n'est que la cinquième version du clip que nous avons validé. Ces gars sont vraiment très bons, et ce sont aussi de grands fans du groupe, ce qui est important parce qu'ils ont l'impression de faire partie de l'équipe.
Guillaume : Tous vos clips ont-ils été fait par Ivan Colic depuis Ghost Opera ?
Non, pour Poetry For The Poisoned, nous avons fait deux clips avec une équipe qui s'appelle DreamDay. Le résultat était aussi très cool.
Guillaume : Les deux derniers clips ont-ils été filmés d'une seule traite ?
Oui, exactement. Nous étions là-bas pour trois ou quatre jours. Donc nous avons filmé le premier clip, puis nous avons enchaîné sur le second puisque nous étions toujours à Belgrade. Il y avait juste des acteurs différents pour chaque jour de tournage et Alissa a, en fait, enregistré ses scènes à Montréal.
Guillaume : Quel effet cela fait de jouer en étant cernés de fonds verts ?
Nous faisons confiance à l'équipe, donc j'ai fini par m'y faire. Par exemple, à la fin du clip, je m'avance et je pousse ce casque, qui tombe et se casse. Je me souviens avoir joué cette scène devant un fond vert. Tu finis par t'y habituer quand tu as tourné autant de clip que nous.
Guillaume : Pourquoi n'y a t-il que des clones féminins dans votre représentation de ce monde dans Insomnia ?
Et bien, on peut voir ça de plusieurs façons. Les femmes sont celles qui sont persécutées. C'est le cas dans beaucoup de cultures, je pourrais être plus spécifique mais je ne crois pas que ça soit nécessaire. Et visuellement, bien sûr, ça marche bien d'avoir des femmes dans ce contexte. (rires)
Sabrina : « Insomnia » et « Liar Liar » semblent être les deux faces d'une même pièce : les deux vidéos peuvent s'enchaîner parfaitement et l'ensemble semble décrire un monde dystopique où la surveillance est généralisée. Est-ce que l'actualité récente a été une source d'inspiration ?
Pas précisément non, mais avant d'enregistrer l'album, nous avons discuté de différentes choses. Notamment du fait que dans la société d'aujourd'hui, les gens sont esclaves de leurs téléphones et de leurs ordinateurs. Et je venais juste de voir le nouveau Terminator où ils ont ce produit appelé Genesis qui prévoit de lier les gens physiquement avec tous leurs appareils mobiles. Et en gros, c'est ce que Google est en train de faire maintenant. C'est quelque chose qui arrive tout doucement, nous devenons dépendants de ces choses en abandonnant progressivement notre liberté et nos informations personnelles sans même vraiment y penser.
Guillaume : Parlons du morceau « Citizen Zero ». Ce titre me fait penser au « patient zéro » dans les films de zombie, ou à Edward Snowden, le lanceur d'alerte, dont le nom de code était « Citizen Four ». D'où est venue l'inspiration pour cette chanson ?
Et bien, en fait, tout l'album a une sorte de ligne rouge comme nous en parlions précédemment. Ça parle de la technologie et du gouvernement qui prend le pouvoir et nous surveille. Donc nous avons discuté de chaque chanson, et « Citizen Zero » était le titre provisoire de ce morceau avant même l'écriture des paroles. Donc nous les avons basées sur ce titre et ça a bien marché avec le thème global de l'album. D'ailleurs, c'était un peu une coïncidence que cela ait aussi bien marché. Tommy en a écrit les paroles et grosso modo, ça parle du fait que certains citoyens sont juste des numéros dans la société.
Guillaume : D'une manière générale, vos influences se retrouvent-elles plutôt dans la littérature, la musique, le cinéma, les jeux vidéos ?
Non, pas les jeux vidéos, je n'y joue pas car je n'ai vraiment pas le temps pour ça ! (rires) Mais j'ai clairement été inspiré par des films comme The Island et beaucoup de films de science-fiction comme Bienvenue à Gattaca, que j'aime beaucoup. J'ai aussi repensé à de nombreux films que j'ai vues durant mon enfance comme Logan's Run (L'Âge De Crystal). J'étais très intrigué par l'idée du futur et de savoir comment la société allait évoluer... ou s'écrouler, selon comment on voit ça. Donc je pense que ces films ont été la plus grosse influence pour Haven.
Sabrina : Durant la tournée américaine, plus de la moitié de la setlist était consacrée aux trois derniers albums et vous ne jouiez aucun morceau des quatre premiers albums. Peux-tu nous en dire plus au sujet de l'élaboration de la setlist de vos concerts ?
En général, un tiers de la setlist doit provenir du nouvel album parce que c'est celui que nous souhaitons faire connaître. Evidemment, nous devons aussi jouer des morceaux du précédent. Ensuite, nous choisissons des morceaux plus anciens ici et là. Ce soir, la setlist sera un peu différente de ce que nous avons fait toutes ces dernières années parce que nous pensons qu'il est temps de changer les choses. Mais nous ne jouerons pas de morceaux comme « For Eternity » ou « Dominion ». La majorité des fans que nous avons aujourd'hui sont là depuis The Black Halo et, pour être honnête, beaucoup ne sont là que depuis Silverthorn. Donc si on jouait une chanson comme « The Fourth Legacy », quatre personnes reconnaîtraient et les autres se demanderaient ce que c'est et ça n'aurait pas vraiment de sens. On souhaite vraiment jouer des chansons du nouvel album et privilégier des chansons que nous pensons que les fans veulent entendre et aussi qui rendent bien sur scène.
Guillaume : Tu décrivais récemment « Liar Liar » comme un morceau plus traditionnel, qui aurait pu avoir sa place sur The Fourth Legacy. Quel rapport entretiens-tu avec les plus anciens morceaux du répertoire de Kamelot, en particulier ceux que vous ne jouez plus ? Considères-tu qu'une page a définitivement été tournée ?
Oui, en effet. Une page a été tournée depuis The Black Halo. Il y a certaines étapes dans l'évolution d'un groupe et je pense que cet album en marque une. Nous avons ajouté un côté beaucoup plus gothique et un style plus symphonique à notre musique, alors que The Fourth Legacy allait, je pense, plus vers le power metal. Mais, aujourd'hui, je reste fier de toutes ces chansons, même celles du premier album qui étaient, pourtant, totalement amateurs. Et puis on veut qu'il y ait toujours du nouveau pour le groupe et les musiciens. Si vous jouez tous les soirs, alors vous avez envie d'aimer ce que vous faites. Et c'est pour cette raison que nous ne jouons plus rien qui soit vraiment vieux, désormais. On essaie de faire de nouvelles choses régulièrement pour ne pas constamment vivre à travers nos mêmes vieilles chansons.
Sabrina : Votre unique DVD live One Cold Winter's Night est sorti il y a presque neuf ans. Depuis, vous avez produit quatre albums. Envisagez-vous d'enregistrer prochainement un nouveau DVD de concert afin de mettre à l'honneur les chansons plus récentes ?
On espérait le faire pour cette tournée, mais nous venons seulement de finaliser l'accord pour le DVD avec la maison de disque. C'était principalement ça qui nous retenait. Donc aujourd'hui, on a le budget pour monter ce projet correctement, mais il faut désormais le planifier. On ne va pas avoir le temps de le planifier pour cette tournée, mais je dirais qu'il y a de grandes chances pour qu'on tourne ce DVD l'année prochaine.
Guillaume : Dans une récente interview, tu expliquais qu'avoir des guests permettait d'injecter du sang neuf, sans pour autant remettre en cause la stabilité du line-up. Est-ce pour cette raison que vous ne recrutez pas une chanteuse à temps plein ?
Oui, c'est exactement ça. Cela nous donne tout simplement la liberté de travailler avec qui on veut, ou même juste avec personne. Quand vous avez un groupe et que l'alchimie fonctionne, recruter une personne supplémentaire qui devra venir en tournée avec vous, ça n'a pas de sens. Ça vous enferme beaucoup trop. Et qui sait ? Peut-être que pour le prochain album, nous n'aurons aucun chant féminin, on veut avoir la liberté de faire exactement ce qu'on veut.
Guillaume : Peux-tu nous en dire plus sur votre choix de faire appel à Alissa White Gluz (Arch enemy), Charlotte Wessels (Delain) et Troy Donockley (Nightwish) ?
Alissa est une amie depuis plusieurs années maintenant, et c'est la même chose pour Charlotte et Troy. Nous trouvions juste qu'ils collaient bien aux rôles dans ces chansons en particulier. Il n'y a pas eu de grosse organisation. En fait, cela s'est fait au dernier moment pour Charlotte et Troy. Nous leur avons juste demandé s'ils étaient disponibles et je crois que Charlotte était en tournée en Grèce à ce moment là. Du coup, elle a trouvé un studio, enregistré ses lignes et nous les a envoyées. On a eu de la chance que nos plannings coïncident. Mais il s'agit toujours de gens que nous connaissons déjà. C'est le cas, par exemple, pour Gus G. qui fait notre première partie ce soir. Il a été sur l'un de nos albums et c'est un ami depuis un moment maintenant.
Sabrina : Durant la tournée européenne 2013, vous avez fait l'impasse sur la France. Mais cette année, nous sommes ravis d'apprendre que vous y ferez trois concerts. Avez-vous votre mot à dire sur le choix des villes ?
Cela dépend essentiellement de deux choses. Il y a d'abord le trajet de la tournée. Ensuite, nous devons discuter avec les promoteurs et ils évaluent combien de personnes sont venues aux précédents concerts. Bien sûr, cela marche comme ça pour tous les groupes, pas uniquement Kamelot. C'est un facteur très important et c'est pour ça qu'il est indispensable pour nous que les fans viennent aux concerts. Par exemple, si nous jouons un concert à Las Vegas et que les gens ne viennent pas, il y a de grandes chances que nous ne revenions pas la prochaine fois parce que les promoteurs n'aiment pas prendre de risque. Il est vraiment très important que les fans soutiennent le groupe en venant aux concerts parce que cela a aussi un impact sur le futur.
Sabrina : Observes-tu des différences d'accueil entre l'Europe et l'Amérique du Nord ?
Non, aujourd'hui pas vraiment, mais c'était le cas avant. Je me souviens qu'il y a cinq ou huit ans, les fans européens étaient beaucoup plus fous. Mais maintenant, j'ai l'impression que les fans américains sont tout aussi fous et bruyants. L'Amérique du Sud, c'est toujours un peu différent que partout ailleurs, mais en général nous essayons toujours de nous connecter avec les fans et de les faire participer au concert. Ça fait un moment que nous n'avons pas joué à paris donc je me souviens plus vraiment. Mais je crois que la dernière fois, nous avons joué au Bataclan et que c'était un concert très cool.
Guillaume : Quel est votre plus grosse base de fans ?
Maintenant, c'est probablement les Etats-Unis. Sinon, les Pays-Bas ont toujours été l'un de nos marchés principaux avec la Norvège et la Finlande. Paris a toujours été fort aussi. C'est un peu différent pour le sud de la France mais ça reste bien.
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