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« L'Humanité est à un moment où elle attend de la nouveauté, une nouvelle ère. Je suis très curieux de voir ce que ce sera et j'espère que ça arrivera quand je serai encore là. »

Interview de Tony Kakko et Henrik Klingenberg (SONATA ARCTICA)

L'humanité, l'avenir, la paternité, la guerre, la vie, la maturité, la mort... À la fin de cette rencontre, beaucoup de questions existentielles s'entrechoquent. Mais on est évidemment ravi d'avoir passé quelques dizaines de minutes avec Tony et Henrik de Sonata Arctica. Souriants et apaisés, mais aussi songeurs et lucides, ils évoquent avec nous les thèmes de The Ninth Hour, leur nouvel album.

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Propos recueillis à Paris par Elise et Guillaume, le 6 septembre 2016, retranscrits et traduits par Elise.

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Elise : Est-ce que le processus créatif est différent lorsque vous travaillez sur un album comme Winterheart's Guild (plutôt « power metal ») que sur un album comme Unia ou The Ninth Hour (plutôt « progressif ») ?

Henrik : Je ne crois pas. Nous travaillons toujours de cette façon : Tony écrit des chansons, fait des démos et les présente au groupe. Je ne pense donc pas que la composition soit différente. Bien-sûr, lorsque Tony commence à travailler sur de nouvelles chansons, elles transmettent ce qu'il ressent à ce moment là. On devait commencer à travailler sur cet album plus tôt mais nous avons eu la chance de pouvoir tourner avec Nightwish, alors nous voulions en profiter. Par conséquent, lorsque nous sommes retournés en studio, nous étions dans la précipitation. Nous n'avions que deux ou trois chansons dont on avait entendu les démos. Nous avons commencé à travailler sur celles-ci pendant que Tony en composait d'autres chez lui. C'était donc très chargé et chaotique cette fois-ci, mais quand on a la chance de pouvoir tourner avec Nightwish, on le fait. C'est vraiment sympa de passer du temps avec eux.

Guillaume : Est-ce que Tony a écrit plus de chansons que celles qui sont sur l'album ?

(Tony arrive)

Henrik : Pas cette fois-ci, non.

Tony : Rien qui aurait pu convenir à Sonata Arctica, en fait. Je travaille sur un projet solo depuis très longtemps et, après 15 ans de travail, il devient enfin un peu concret. Mais, cette fois-ci, je n'ai pas eu le temps d'écrire des chansons en plus. J'ai simplement écrit le minimum dont nous avions besoin et c'est ce que je fais souvent, de toute façon. Cela m'arrive d'avoir une ou deux chansons que nous n'utilisons pas sur l'album, mais en général j'écris le nombre exact dont nous avons besoin et je laisse le reste de côté.

Guillaume : On a l'habitude que les groupes définissent leur dernier album comme le meilleur qu'ils n'aient jamais fait. Or, dans une interview récente tu disais que Unia et Winterheart's Guild étaient les albums dont tu étais le plus fier…

Tony : …oui c'est possible. (rires)

Henrik : …ce jour-là en tout cas. (rires)

Guillaume : Comment positionnes-tu vos trois derniers albums par rapport au reste de votre discographie ?

Tony : Je pense qu'ils montrent que le groupe a beaucoup mûri. Nous étions vraiment bruts à nos débuts. Ecliptica était comme une extension de notre démo, nous ne savions pas ce que nous faisions et cela se ressent sur l'album. Ça lui donne un côté mignon si on veut. Ce sentiment de danger et d'excitation était sympathique mais nous avons évolué assez rapidement et les trois derniers albums ont été créés et produits par un groupe clairement plus mature. C'est normal ! On fait ça depuis vingt ans donc si rien n'avait changé ou ne s'était amélioré, ce serait dommage. Surtout que nous ne sommes pas un groupe comme AC/DC dont on s'attend à ce qu'il…

Henrik : …fasse la même chose.

Tony : C'est méchant... mais, en tout cas, d'utiliser la même formule.

Henrik : Mais je pense aussi que c'est difficile de comparer les albums parce que le dernier est tout frais donc nous ne savons pas encore où il se situera dans la discographie dans son ensemble. C'est trop tôt pour le dire, nous avons besoin de temps. Et puis, choisir son album préféré c'est comme choisir ton enfant préféré, c'est impossible. Tous nos albums représentent ce que nous voulions faire au moment de leur création. Bien-sûr, parfois, tu n'es plus en accord avec les idées que tu avais dix ans auparavant...

Elise : Pouvez-vous nous dire quelles chansons sortiront en single ensuite ?

Henrik : Nous allons sortir le prochain single la semaine prochaine : ce sera « Life ».

Tony : Le premier single est la première chanson de l'album, le deuxième single est la deuxième chanson. C'est comme si ça avait été fait exprès ! (rires)

Henrik : Le lendemain de notre concert avec Nightwish à Himos en Finlande, nous sommes allés au milieu de nulle part et avons tourné la vidéo. La vidéo sortira en même temps que le single.

Lyric video de Closer To An Animal (SONATA ARCTICA)

Elise : Est-ce qu'il est vrai qu'une chanson de l'album fait suite à « Don't Say a Word » ?

Tony : Oui, « Till Death's Done Us Apart ». « The End of This Chapter », « Don't Say a word », « Caleb » et « Juliet » font toutes parties du même panier, en quelque sorte. Ce n'est pas une seule et même histoire, évidemment, parce que ces personnages seraient tous des zombies s'ils étaient encore en vie. (rires) Ils sont morts tellement de fois, de nombreuses façons différentes. Cependant elles sont dans la même thématique. Si elles étaient composées comme des ballades, je les appellerais des « Murder Ballads » (Album de Nick Cave and the Bad Seeds). Elles parlent de tragédies humaines et d'histoires de jalousie.

Elise : Et puis, il y a « White Pearl, Black Oceans Part II » aussi. Lorsque tu écris ces chansons, est-ce que tu te dis « tiens, je vais écrire la suite » ?

Tony : Pas du tout. Ça arrive... si ça arrive, en gros. « White Pearl, Black Oceans » a une place particulière dans le cœur de certains fans de Sonata Arctica. Il y a des fan-fictions qui ont été écrites autour d'elle, des gens ont dit qu'elle ferait un super film, d'autres ont des tatouages en rapport avec elle. Elle a toujours été présente et nous l'avons joué en concert aussi. L'idée m'est venue d'y retourner et d'écrire quelque chose pour étendre cette histoire. Mais au début, je me suis dit : « Continuer quoi ? Ils sont morts ! ». (rires) C'est comme si, dans Titanic, Leonardo Dicaprio se mettait tout à coup à nager jusqu'à la rive. (rires) Mais c'est ce qui arrive dans cette deuxième partie, les deux personnages sont vivants. C'est mon Titanic à moi… En avril, je crois, que j'ai posté quelque chose sur Instagram en disant que je travaillais sur « White Pearl, Black Oceans Part II » et les gens ont immédiatement commencé à commenter : « Je veux entendre ça ! ». Et je me suis dit : « Bravo Tony, maintenant il faut vraiment l'écrire ! ». Mais j'ai fait ça exprès pour me forcer à y retourner et à le faire. J'avais besoin de cette motivation et de ce défi. J'aime me lancer des défis et trouver de nouvelles manières d'approcher mon travail. C'est ce qu'il fallait pour cette chanson parce qu'elle comptait beaucoup pour les gens et je devais être à la hauteur, que ce soit pour la musique et pour l'histoire. Je crois que je m'en suis assez bien tiré. L'ambiance est plus douce que dans la première partie mais on reprend la même thématique. Et tout est bien qui finit bien. On revient sur ce moment où les gens embarquent sur ce bateau qui leur est familier. Il a un accident et de nombreuses personnes meurent. Une personne survit et pense que l'accident est en partie sa faute, tout le monde lui en veut et il décide de se noyer, mais... il ne se noie pas.

Henrik : Tout est bien qui finit bien !

Tony : Je suis impatient de pouvoir faire ce que nous envisageons : un jour nous jouerons les deux parties sur scène. Une longue chanson de vingt minutes.

Henrik : Nous n'allons pas faire ça juste après la sortie de l'album. Lorsque nous étions en tournée pour Reckoning Night, nous n'avons pas joué « White Pearl, Black Oceans » dès le début non plus. C'est bien de donner du temps aux gens de s'approprier la chanson. Et c'est bien pour nous aussi.

Tony Kakko évoque White Pearl Black Oceans 2 pour la première fois sur Instagram

Elise : Parlons d'autres sujets abordés dans l'album. Dans « Candle Lawns », tu mentionnes « Purple Heart ». Est-ce bien une référence à la médaille militaire ?

Tony : Oui, tout à fait. Cette chanson parle de deux amis si proches qu'ils se considèrent comme des frères. Ils vont aller combattre ensemble et avoir la même carrière. Puis l'un des deux est tué et il demande à son ami de s'occuper de sa famille pour lui.

Elise : La guerre est un thème qui revient souvent dans vos paroles…

Tony : Oui. C'est-à-dire que nous entendons parler de la guerre en permanence. Mais nous ne sommes pas Sabaton… (rires) C'est différent. Nous ne glorifions pas la guerre, ce n'est pas mon truc.

Elise : Tu étais toi-même à l'armée, pendant un bref moment…

Tony : En Finlande, tu dois faire l'armée ou servir ton pays d'une manière ou d'une autre : Ou bien on te délivre un papier disant que tu es taré... (rires) Ou bien tu fais un service civique mais c'est une autre manière de servir ton pays. J'ai fait mon service et j'ai appris le morse. C'était assez sympa, marrant même. Mais ce n'est pas pour cette raison que j'écris ces histoires. C'est juste une manière de plus de trouver des sujets tragiques, cela m'inspire.

Elise : Un autre thème revient régulièrement dans vos albums : la descendance, la paternité. La dernière fois que nous nous sommes parlés, tu n'avais pas d'enfant. Maintenant que tu en as, comment cela a-t-il modifié ton inspiration sur le sujet ?

Ecoutez leurs réponses

Tony : Je pense que la première fois que j'ai évolué sur ce sujet c'était à l'époque de « I Have a Right ». C'était très personnel. Cependant, j'ai une très belle amitié avec mon père alors ce n'est pas comme si je parlais de ma propre expérience. J'ai même dit à mon père « ça ne parle pas de toi » en pensant qu'il pourrait le prendre très mal. Heureusement, il n'est de toute façon pas très bon en anglais… (rires) Mais la chanson mentionne un père et elle est écrite à la première personne alors c'est tout de suite plus personnel. C'est à ce moment là que je suis devenu père. Bien-sûr, ça vous change, c'est même bizarre si ce n'est pas le cas. C'est une de ces expériences vraiment profondes que tu peux avoir dans ta vie. Tu es responsable d'un être si petit et innocent, et tu découvres de nouvelles facettes de ta personnalité.

Henrik : Je ne pourrais pas dire mieux. Ça change tout.

Elise : La dernière fois que nous nous sommes parlés, tu as aussi mentionné Bruce Springsteen lorsque nous avons évoqué les paroles de « Cloud Factory ».

(Tony et Henrik éclatent de rire)

Henrik : C'est intéressant...

Elise : Cette fois-ci c'est « Candle Lawns » qui m'a fait pensé à Springsteen et sa chanson « The River » (ballade qui évoque le retour tragique à la vie normale d'un vétéran). Je ne sais pas si tu la connais ?

Tony : Oui. Je n'y avais pas pensé mais c'est peut-être « Bruce Springsteen : Le Retour ». (rires) Mais oui, le ton est similaire…

Elise : Je pensais qu'il était peut-être une de tes influences parce que vous avez une écriture similaire : vous racontez des histoires, contrairement aux paroliers plutôt poétiques…

Tony : Si nous étions un groupe américain et si j'avais écrit cette chanson il y a vingt ou trente ans, elle aurait peut-être pu être l'hymne qui rassemblait une génération de jeunes gens partis à la guerre ensemble, parce que de tels destins existent effectivement. Des gens ont perdu leurs frères à la guerre, ça arrive bien-sûr tout le temps. Je suis sûr et j'espère que cette chanson trouvera sa place dans l'univers et qu'elle voudra dire quelque chose pour quelqu'un. Ce n'est pas basé sur une histoire vraie, mais en même temps, ça l'est.

Guillaume : Nous avons trouvé que l'album avait une certaine atmosphère mélancolique. Il semble aussi plus doux que les albums précédents. Êtes-vous d'accord ? Est-ce que les paroles plus sérieuses en sont la raison ?

Henrik : Je ne pense pas, parce que nos paroles ont toujours été plutôt sérieuses…

Tony : …même si on disait de notre musique que c'était du « happy metal ». (rires)

Henrik : Oui. La plupart de nos albums ont un ton assez sombre. Les premiers étaient peut-être plus enlevés et joyeux mais il y avait quand même des nuances…

Tony : Cet album est plus serein, plus mélodique en quelque sorte. C'est que qui peut faire croire qu'il est plus triste. Evidemment, certaines thématiques sont… joyeusement désespérées. (rires)

Henrik : …ou désespérément optimistes ? (rires)

Tony : On ne fait pas de sermon, on ne fait qu'observer le monde et on se demande « Pourquoi ? Que peut-on faire ? ». Ça fait partie de ces questions fondamentales. Une personne peut changer et faire des choses, mais en tant que race humaine, je crois qu'on est dans une belle merde. (rires)

Photo promo de Sonata Arctica (2016)

Guillaume : Au début de l'interview, tu disais que vous étiez plus matures. Est-ce que tu penses que cela s'entend dans les paroles comme dans la musique, et que c'est peut-être pour cela que l'album est plus doux que les précédents ?

Tony : Dans les paroles, oui absolument. Je pense que je fais plus attention aux paroles, elles ont toute leur importance pour moi. Plus tôt dans notre carrière, même si j'y réfléchissais beaucoup, j'avais cette drôle d'idée que personne ne les écoutait de toute façon et que c'était juste quelque chose dont j'avais besoin pour chanter les chansons. Mais, évidemment, je voulais m'amuser et raconter des histoires aux gens et, avec le temps, je suis aussi devenu plus ambitieux. Je veux raconter de plus belles histoires et toucher les gens de différentes manières, encore et encore. C'est un défi aussi : combien de ballades peux-tu écrire ? Un bon milliard, pas plus... (rires) Il faut donc trouver un nouveau point de vue qui n'a pas été pompé sur une autre chanson célèbre déjà copiée des millions de fois. C'est un défi. Je pense que le fait que je me sois laissé grandir en tant que musicien et parolier montre une certaine maturité. C'est ce que j'ai envie de penser en tout cas.

Henrik : Je pense que, de manière générale, nous sommes meilleurs maintenant. Bon, on dit qu'on s'améliore mais bien-sûr, pour certaines personnes, on devient au contraire vieux et obsolète. (rires)

Tony : Il y a toujours le mauvais côté de la maturité et de l'expérience. C'est très rafraîchissant et attirant de voir des jeunes choper une Redbull et faire des choses de fou comme ce que nous faisons sur notre premier album. Mais on allait dans tous les sens et, avec le temps, tu te recentres. En prenant du recul, on fait mieux et on est plus professionnel, même si on perd un peu de cette folie. Mais c'est une bonne chose. Vous savez, ces albums restent, ils sont là pour l'éternité et si tu veux entendre ces grognements et cette folie, écoute-les mais nous, nous voulons trouver un nouveau chemin, nous améliorer et ne pas rester coincés dans quelque chose pendant vingt ans.

Elise : Les tournées sont une bonne alternative car ça permet d'entendre un peu tout.

Henrik : Exactement.

Guillaume : Justement, j'étais à Himos pour votre concert avec Nightwish.

Tony & Henrik : Ah oui ? Cool !

Guillaume : J'ai trouvé que le cadre était magnifique et participait à l'ambiance intimiste de votre show acoustique.

Tony : Désolé que tout était en finnois... (rires)

Guillaume : Avez-vous ressenti des sensations particulières ?

Henrik : On a fait six ou sept concerts acoustiques cet été et à chaque fois c'est un peu particulier. Nous ne sommes pas tout à fait à l'aise dans un cadre acoustique, alors ça fait un peu peur. À chaque fois que tu vas sur scène, c'est comme si tu y allais pour la première fois. Ce sentiment de danger et de ne pas savoir ce qu'il va se passer ajoute au plaisir. Il y a aussi un de nos amis, Masi, qui joue de la guitare. C'était un défi pour tout le groupe de faire quelque chose à ce point différent. Il faut simplement espérer que tout se passe bien et se lancer. Et en fin de compte, tout se met en place comme par magie. Chaque concert acoustique est très spécial pour nous.

Tony : Pour ma part, je me disais surtout : « à partir du moment où vous ne vous plantez pas… » (rires)

Henrik : (rires) Oui ! Tu espérais juste qu'on y arrive !

Tony : Après je n'ai plus qu'à me laisser porter. Ces concerts sont plus faciles pour moi, j'ai plus de liberté dans le chant. C'est plus détendu et je peux faire des choses bien différentes que lors d'un concert normal. Je ne suis pas obligé de m'époumoner, ce serait même stupide de le faire. J'adore ces concerts acoustiques.

Extrait du DVD

Guillaume : Réservez vous les concerts acoustiques que pour les festivals de l'été ou envisagez-vous d'inclure une partie acoustique dans les concerts de la tournée à venir ?

Tony : Avoir une setlist acoustique entraîne des problèmes logistiques parce qu'il faut plus de matériel. Bien-sûr, ce serait sans doute possible de faire ça en Europe.

Henrik : On l'a déjà fait il y a quelques années.

Guillaume : Oui, à un moment durant vos concerts, vous vous mettiez en cercle au centre de la scène, autour d'un feu de camp.

Tony : Oui. Pour l'instant il n'est pas prévu qu'on le refasse, nous nous concentrons sur un concert normal. Mais dans le futur, lorsque nous reviendrons pour une nouvelle tournée l'année prochaine, ou en 2018, et qu'on aura besoin de renouveler notre setlist, nous ferons peut-être ça. Mais nous nous sommes aussi dits que ce serait sympa de faire une vraie tournée avec des concerts entièrement acoustiques. Je pense que nous aurions d'abord besoin de sortir quelque chose pour annoncer une telle tournée. Peut-être un « Greatest Hits » sous une forme acoustique pour que les gens puissent se rendre compte : « oh, c'est pas mal en fait ! » ou... « c'est merdique ». (rires) Beaucoup de personnes qui aiment Sonata Arctica savent que ces chansons sonnent bien différemment en version acoustique. Elles se rendent alors compte que tout n'est pas question de vitesse et de chichi. Si tu ramènes la chanson à sa forme la plus simple, ça reste la même chanson, ça marche. Mais il est clair qu'il nous faut une sortie commerciale pour nous permettre de faire une telle tournée.

Henrik : On en a beaucoup parlé ensemble parce que c'était tellement génial de faire ces concerts qu'il est hors de question qu'on ne renouvelle pas l'expérience. Il faut juste que l'on trouve comment faire mais on refera encore ces concerts qui nous font flipper. (rires) Pour l'instant, par contre, on va se concentrer sur le nouvel album et sur les concerts « électriques ».

Guillaume : Pour en revenir au concert à Himos, pouvez-vous nous en dire plus sur Masi ?

Tony : En tant que musicien, je crois qu'il est surtout connu pour Amoral. C'est un mec très talentueux, extrêmement intelligent et ça l'énerverait surement que je dise ça… C'est un guitariste fantastique évidemment. On pourrait en avoir besoin pour les futurs concerts acoustiques parce qu'il joue du violoncelle et de la flûte… c'est notre version de Troy ! Si seulement il savait chanter !

Henrik : On travaille avec lui depuis des années. Il était technicien pour la batterie, il est très utile, il sait faire beaucoup de choses, il peut donc nous aider quand on panique.

Tony : Un très bon ami.

Guillaume : Avez-vous déjà identifié des morceaux du dernier album que vous jouerez à coup sûr durant la tournée ?

Tony : « Closer to an Animal », « Life », « Fairytale », « We Are What We Are », « Among the Shooting Stars », au moins.

Henrik : Ah, c'est décidé alors ? (rires) Et comme je le disais, on jouera aussi « White Pearl, Black Oceans Part II » à un moment donné.

Tony : Mais, vous savez, lorsqu'on tourne on aime bien ressortir de vieilles chansons que nous n'avons pas joué depuis longtemps. Les fans de Sonata Arctica auront peut-être remarqué que nous avons joué « The Power of One » lors d'un festival et nous la jouerons à nouveau. Et nous voudrions aussi reprendre Winterheart's Guild et jouer des chansons que nous n'avons pas joué depuis des décennies.

Guillaume : De plus en plus de groupes européens, notamment Sonata Arctica, planifient des tournées deux fois plus longues en Amérique du Nord qu'en Europe. Comment expliques-tu cette tendance ?

Tony : C'est très cher d'aller là-bas et ça prend plus de temps, donc il faut faire plus de concerts. Quitte à y aller, autant y rester le plus de temps possible.

Henrik : À ce propos, on fait une petite tournée européenne dès maintenant, parce que les concerts étaient déjà prévus et que l'album est sorti plus tard que nous le pensions. Mais nous reviendrons au printemps et nous tournerons pendant deux mois. Donc, au final, il y aura à peu près le même nombre de concerts en Europe et aux USA.

Tony : Nous reviendrons en France aussi, mais pas à Paris, malheureusement…

Henrik : Mais, effectivement, j'avais également remarqué cela. Nous allons rectifier le tire et jouer plus souvent en Europe.

Tony : L'Amérique du Nord est immense. Et puis nous aimons bien y jouer aussi. Si c'était pourri, on n'irait pas. (rires)

Guillaume : Est-ce que vous savez quels groupes joueront en première partie de vos concerts ?

Henrik : Pour la première tournée européenne ce sera Twilight Force. Aux USA, nous aurons Omnium Gatherum et Leave's Eyes. En ce qui concerne la tournée de printemps, nous y travaillons encore.

Elise : Vous avez tourné avec Nightwish à nouveau. Qu'apprenez-vous en tournant avec d'autres groupes ?

Tony : La valeur de l'amitié, déjà. Parce qu'il t'arrive de tourner avec des groupes qui te traitent comme de la merde et Nightwish n'en fait pas partie.

(Tony doit partir pour faire une autre interview)

Henrik : Lorsqu'on observe d'autres groupes en tournée, ils ont des problèmes que nous n'avons pas. Parfois, ils ne s'entendent pas du tout. Tu vois ça de loin et tu te demandes pourquoi ils continuent alors que c'est si horrible. On a eu la chance de tourner avec Nightwish trois fois et nous les avons vus avec toutes leurs chanteuses. La première fois que nous avons fait leur première partie c'était pour Once en 2004 avec Tarja, puis en 2008 sur la tournée Dark Passion Play avec Anette, et maintenant avec Floor ! J'ai vu plus de cent concerts de Nightwish sans avoir besoin de me déplacer, rien qu'en allant au boulot ! Leur manière de travailler est très réfléchie, c'est un plaisir à voir et c'est quelque chose à laquelle nous aspirons.

Pochette de l'album The Ninth Hour (2016)

Elise : Revenons-en à The Ninth Hour et à sa couverture. Elle présente trois bulles : une image utopique, une dystopie et une bulle qui représente l'équilibre entre les deux. Où penses-tu que le monde dans lequel nous vivons se trouve actuellement ?

Henrik : (rires) Où il se trouve ? C'est déjà plus facile, je pensais que tu allais me demander où le monde allait…

Elise : Tu peux répondre à ça aussi !

Henrik : Non, c'est impossible. (rires) Je pense que nous vivons une époque intéressante. Il y a de bonnes choses, de mauvaises choses… Je crois que l'Humanité est à un moment où elle attend de la nouveauté, une nouvelle ère. Je suis très curieux de voir ce que ce sera et j'espère que ça arrivera quand je serai encore là. Notre manière de penser et d'être arrive à sa fin et nous devons trouver une nouvelle manière de justifier notre existence. Nous devons nous mettre d'accord et atteindre un nouveau niveau. Mais le chemin qu'a pris l'Humanité arrive à sa fin, d'une manière ou d'une autre… Je ne veux pas avoir l'air trop déprimant ou suicidaire mais pour moi c'est un fait.

Elise : Pour conclure cette interview, aurais-tu des recommandations à faire à nos lecteurs ? Qu'as-tu écouté de bien dernièrement ?

Henrik : Il y a un nouveau groupe sympa en Finlande qui s'appelle Humavoid. Du death metal technique et progressif, quelque chose comme ça. J'écoute ça ces derniers temps et c'est complètement différent de tout ce que j'ai pu entendre. Je ne sais pas encore si j'aime ou pas. (rires) Et puis il y a ces jeunes groupes dont on entend parler depuis quelques temps : Santa Cruz et Lost Society. Ils font partie de cette nouvelle vague de metal finlandais. Battle Beast, bien sûr. Ce sont ceux que j'écoute en ce moment. C'est toujours intéressant d'écouter les nouveaux groupes, cela permet de nous remettre en question, nous les vieux schnocks !