Guillaume : Nous avons relu une de vos citations préférées, celle de Ralph Vaughan Williams « Il semblerait que les gens ne puissent pas envisager qu'un homme veuille juste écrire un morceau de musique » et avons réalisé que cela semblait s'appliquer parfaitement à la composition des chansons pour Auri. Et donc on se demandait s'il n'était pas pénible pour vous de répondre à des questions sur ce projet. Au bout du compte, arrivez-vous quand même à prendre du plaisir dans la promotion de cet album ?
(Tuomas, Troy et Johanna éclatent de rire en voyant la photo)
Johanna : Oui ! Ça se voit à la couleur de nos verres ! (rires)
Guillaume : Donc ce sont de bons moments, ce n'est pas trop ennuyeux ?
Troy : Oh si, c'est horrible. D'ailleurs je vais m'en aller... (Il fait semblant de partir)
(Ils rient tous)
Troy : Non, comme tu peux le voir, nous passons de très bons moments.
Guillaume : Hier, vous étiez à Londres, si je ne dis pas de bêtise.
Tuomas : Oui. Aujourd'hui, c'est notre deuxième journée de promo et nous passons vraiment de bons moments. Ce ne sont pas des paroles en l'air.
Troy : C'est même de loin notre meilleure tournée promo, on rigole tout le temps. Et je ne dis pas ça à cause du vin. (Il montre la bouteille de vin rouge et les trois verres posés sur la table) Cela fait seulement trois interviews qu'on a commencé à boire, et c'est la première bouteille, donc on n'est pas saoul, tout va bien. (rires)
Tuomas : (à Troy) Bien que tu aies dit ça aussi lors de l'interview précédente... (rires)
Nicolas : Troy, à l'occasion de notre dernière interview avec toi, en 2015, tu nous avais parlé de ce projet avec Tuomas, une sorte de « ballet où Tuomas et toi danseriez comme deux ballerines ». Est-ce que c'est ce qu'Auri est finalement devenu ?
(Ils rient tous)
Troy : Et bien, regardez la vidéo de « Night 13 » et tout sera révélé ! Vous verrez : c'est vraiment fascinant, car nous avons des robes de ballets, Tuomas crache du vin rouge sur la mienne, je porte un déguisement géant de poulet, et Johanna glisse et c'est... Bref, vous verrez la vidéo et tout sera plus clair.
(Ils rient tous)
Nicolas : Plus sérieusement, quand est-ce que l'idée de travailler ensemble, tous les trois, vous est venue ?
Johanna : C'est depuis que Tuomas et moi avons découvert la musique de Troy. Par exemple, lorsque nous avons découvert « The Madness of crows », on s'est juste dit « wow ». On a eu cette sorte de besoin urgent de faire quelque chose de musical tous les trois. Nous sommes amis depuis longtemps et le fait que nous soyons connectés par de nombreuses passions communes est une chose rare et étonnante. En tant que musiciens, tous les trois, nous avons cette chance de pouvoir combiner nos forces de cette façon. C'est magique !
Sabrina : Pouvez-vous nous dire comment le projet a évolué, depuis la première chanson enregistrée en 2011 jusqu'à l'album composé 6 ans plus tard ? En particulier, comment êtes-vous passés d'une chanson positive parlant d'amour à un album qui évoque à plusieurs reprises des paroles inspirées des livres de Patrick Rothfuss ?
Troy : C'est vrai que l'album est influencé par ses livres. Et pourtant je n'en ai lu aucun, ce qui me met dans une position unique dans Auri. Pour moi, le mot « Auri » est un très joli mot, aussi bien visuellement que dans sa prononciation. De mon point de vue, cela vient du mot « Aura » qui signifie « émanation », « atmosphère dorée ». Et c'est exactement ce qu'est la musique d'Auri. Et depuis le début, nous suivons cette idée. Tuomas et moi adorions la voix de Johanna à un tel point que nous savions que nous finirions par travailler ensemble, et Johanna pensait la même chose. Nous étions donc condamnés à travailler ensemble ! (rires) Mais nous l'avons fait en étant honnêtes les uns envers les autres, et en ayant parfaitement conscience des différentes voies possibles. L'influence de Patrick Rothfuss vient de Tuomas et de Johanna, c'est une des voies possibles, et cette influence peut être considérée comme petite ou grande, selon votre propre perspective. Le personnage d'Auri et ce qu'il symbolise va au-delà des livres de Rothfuss. C'est un certain archétype ancien : même dans les livres, le personnage peut être perçu comme porteur d'une philosophie. Auri a une troisième signification, parce que c'est également une partie du nom de Johanna, et c'est un nom finlandais. C'est ce qui est génial avec ce mot, tu peux le comprendre comme tu veux. Et il n'est pas nécessaire d'avoir lu ces livres pour apprécier l'album.
Tuomas : Et ce n'est pas du tout un concept album.
(ils sont ravis de revoir Tim Oliver sur cette photo)
Sabrina : Qui a pris part à cet album ?
Tuomas : (à Troy) Parle-leur des invités, et je leur montrerai l'invité ultime. (Tuomas se lève et va chercher son téléphone)
Troy : Ah oui, bonne idée. Vous verrez, c'est une vraie exclusivité, que pour vous trois ! (rires) En fait, nous n'avons pas beaucoup d'invités sur cet album, seulement quatre. Nous nous sommes occupés du reste à trois, en jouant la plupart des instruments. Un des invités est Frank Van Essen qui a joué les instruments à cordes. Mais chez Franck, la chose inhabituelle, c'est qu'en plus d'être un sublime violoniste, c'est aussi un batteur de rock phénoménal. Avez-vous déjà rencontré une personne comme ça ?
Sabrina : Non, ça semble plutôt rare.
Troy : C'est vraiment rare, je n'ai jamais vu une telle chose. Bref, il me semble que Frank joue sur chaque morceau, que ce soit à la batterie ou les cordes. Un des autres invités est présent seulement sur un morceau, la chanson « See », et il y a Michael Gill qui vient d'Edinburgh pour « Them Thar Chanterelles ». Il manque qui ?
Tuomas : Et bien, il y a le claviériste pour le solo sur « Savant ».
Troy : Oh oui, lui, montre-leur !
Tuomas : L'album contient une première mondiale que vous pouvez entendre à la fin de l'avant-dernière partie du morceau « Savant ». On avait besoin d'un solo de clavier improvisé (Tuomas fredonne la partie en question) et nous avons trouvé la personne idéale pour le faire. On a même filmé l'enregistrement tellement c'était parfait.
(Tuomas nous montre une vidéo sur son téléphone, celle d'un âne jouant du clavier avec sa langue)
Troy : Et c'est exactement ce que vous pouvez entendre sur l'album. (rires)
Sabrina : Quel est son nom ? C'est important de lui rendre crédit !
Tuomas : Absolument ! Il s'appelle « Joomba ».
Troy : Il y a cette même approche de l'improvisation dans le dernier morceau, « Them Thar Chanterelles », et c'est intéressant de le signaler car c'est vraiment aussi comme ça qu'est fait Auri : Johanna et Tuomas étaient partis ramasser des chanterelles et Johanna a commencé à chantonner cette petite mélodie qu'on retrouve au début du morceau. Puis, le morceau explose et tout se transforme en une grande danse universelle, avec toute la forêt qui chante, et Johanna, au milieu, qui est complètement saoule. C'est l'essence même de ce morceau. (rires)
Nicolas : Et à la fin, on entend quelqu'un dire « I'm singing this song ! ». Qui est-ce ?
Troy : C'est un accident. Je pense que c'est le mec qui nettoyait le studio, ou quelqu'un comme ça ? Oui, ça doit être ça : on a aucune idée de ce qui s'est passé. (rires)
Guillaume : dans le roman « La Musique Du Silence » de Patrick Rothfuss, le personnage principal, nommé Kvothe, rencontre Auri, décrite comme une jeune femme sauvage, mystérieuse et clairvoyante. Qu'ont en commun le personnage d'Auri et votre groupe ?
Tuomas : En fait, le personnage d'Auri dans ces livres est un grand mystère. On ne sait pas comment et pourquoi elle est arrivée là. Et c'est un peu ce même mystère pour Auri, le groupe. Nous ne savons pas d'où vient la musique : elle arrive juste dans nos cerveaux et finit dans ce mélange sonore que nous avons besoin de déchiffrer. C'est le point commun entre ces Auri. Personne ne sait d'où ça vient et c'est ce qui les rend beaux.
Guillaume : Donc l'idée que la voix masculine sur l'album représenterait Kvothe et que la voix féminine représenterait Auri n'est pas valable ?
Johanna : Non, ce n'est pas aussi simple que ça.
Tuomas : Et bien chacun peut l'interpréter comme il l'entend. Si tu écoutes l'album et que c'est comme ça que tu l'interprètes, alors c'est parfait. De toute façon, il n'y a pas qu'une seule manière d'écouter ces chansons.
Troy : Tout à fait. Et effectivement, ce n'est pas du tout un album concept. Il y a des influences mais ça ne va pas plus loin.
Sabrina : Sinon, dans le morceau « Aphrodite Rising », on pensait que c'était la voix d'Aphrodite. Là encore, c'est plus compliqué que cela ?
Troy : Aphrodite, c'est l'amour qui arrive sur Terre et qui l'enveloppe sans moyen de l'arrêter. C'est la lumière qui combat l'obscurité : voilà ce qu'est Aphrodite. Quand elle dit « I'm falling through the constellations » (« Je tombe au travers des constellations »), c'est exactement ça : c'est l'être humain frappé par un amour irrésistible.
Nicolas : Est-ce que toi aussi, Johanna, tu as lu les livres de Rothfuss ?
Johanna : Oui ! J'ai adoré sa manière d'écrire. C'est comme une poésie. J'aime sa façon de décrire la musique en général dans ses livres.
Sabrina : Nous trouvions que ce personnage te ressemblait, lorsque tu étais rousse.
Tuomas : Oh, c'est une jolie couverture, je ne la connaissais pas.
Troy : C'est à cet endroit que j'ai rencontré Johanna pour la première fois ! Elle se tenait là, elle ne me voyait pas, et j'étais là en train de l'appeler !
Johanna : C'est vrai, je m'en souviens !
Troy : Et Tuomas était à côté à jouer du banjo. (rires)
Johanna : Non vraiment ! Nous sommes les choses que nous aimons et nous émanons les choses que nous aimons. Et cet album, c'est justement une collection de ces choses. Patrick Rothfuss et ses livres en font partie. Et je crois que c'est ce qu'il y a de plus facile à remarquer si vous avez lu les livres. Si vous avez lu nos paroles, vous savez que nous aimons ses personnages et que nous aimons ses livres. C'est la conclusion la plus évidente mais je voudrais vraiment souligner ceci : pour nous c'est une inspiration parmi tant d'autres choses que nous avons vécues et dont nous nous sommes imprégnés au cours de nos vies. Je ne veux pas amoindrir les mérites du livre ou notre amour pour celui-ci mais je pense qu'il est important de souligner ce point.
Troy : Oui, c'est difficile de ne pas en dire trop mais je te rejoins complètement.
Sabrina : avec cet album, vous m'avez donné envie de lire des livres de Rothfuss. Lequel recommanderiez-vous pour commencer ?
Tuomas : Il faut vraiment commencer par « The Name Of The Wind ». Puis « A Wise Man's Fear » et enfin « The Slow Regard Of Silent Things ». En fait, il n'a pas écrit d'autres livres que ces trois là. Bien sûr, il a aussi écrit des livres pour enfants, mais sinon, rien de plus que ces trois romans.
Troy : J'adore ce titre, « The Slow Regard Of Silent Things ».
Tuomas : Oui il est génial.
Sabrina : En fait, il ne porte ce nom qu'en anglais, car les traducteurs n'ont jamais réussi à bien comprendre le titre. Patrick Rothfuss lui-même n'arrivait pas à l'expliquer. C'est pour ça qu'ils l'ont traduit par « The Music Of Silence ». (La Musique Du Silence)
Tuomas : Oh intéressant, je ne savais pas !
Nicolas : Tuomas, est-ce que tu te fixes certaines règles particulières lorsque tu composes pour Nightwish ? Et ces règles sont-elles différentes quand tu composes pour Auri ?
Tuomas : Non, le procédé est identique. Je me contente d'être habité par le sentiment de faire exactement ce que je veux et ce que je ressens, sans restriction. Bien sûr, quand j'arrive au milieu de la composition d'un morceau, je réalise que ce sera un morceau soit pour Auri, soit pour Nightwish. Donc j'imagine qu'inconsciemment, je fais des différences. Mais la philosophie de base que j'applique lorsque je compose est toujours la même. Au bout du compte, il n'y avait pas trop de différence pour Auri.
Nicolas : Tu as dis que tu n'avais plus du tout d'inspiration après avoir fini de composer « The Greatest Show On Earth », mais qu'en te concentrant sur Auri, tu avais retrouvé ton inspiration pour Nightwish. Peux-tu nous en dire plus ?
Ecoutez la réponse de Tuomas
Tuomas : Oui, ça semble un peu romancé, mais c'est vraiment ce qui s'est passé. Pendant un an et demi, je n'avais plus du tout envie de composer pour Nightwish. J'ai essayé une fois ou deux mais ça ne fonctionnait pas. Je me posais devant mon clavier, je commençais à jouer, mais je ne ressentais rien. Et puis nous avons commencé à travailler sur Auri : on a fini l'album assez vite et on était très content du résultat. A ce moment-là, je me suis dis : « Regardons s'il me reste quelque chose pour Nightwish ». Et là les vannes se sont littéralement ouvertes ! Et depuis Octobre dernier, je suis submergé par l'inspiration pour le prochain album de Nightwish, et ça me fait le plus grand bien. Je ne pense pas que j'étais désespéré ou victime du syndrôme de la page blanche, mais je sentais que ce n'était pas le bon moment. En tout cas, Auri m'a redonné l'inspiration, et je ne sais pas vraiment l'expliquer.
Guillaume : Les paroles de « Night 13 » semblent porter sur les différentes visions de la vie après la mort, selon les cultures et les religions, avec même l'idée de la Mère Nature. C'est une magnifique chanson mais pourquoi avoir choisi une chanson sur la mort pour un premier single ?
Troy : Et bien en fait tu as toi-même répondu à ta question dans ta première phrase. Tu as dis « semblent porter ». Voilà la réponse. Elles semblent parler de ça, mais ça ne veut pas nécessairement dire que c'est vrai. « Night 13 » peut vouloir dire ça pour toi, mais peut aussi vouloir dire tout à fait autre chose pour quelqu'un d'autre. Tout repose sur ce que tu ressens. C'est une chanson à propos de la régénération. Il y a une pièce du compositeur Richard Strauss qui s'appelle « Death And Transfiguration » et la réponse est là-dedans je pense. C'est vraiment quelque chose de très positif. « Night 13 » est bien plus que la somme de ses couplets et refrains. C'est même le morceau le plus personnel à interpréter.
Tuomas : Pour moi, c'est une chanson très positive. Le message derrière est rempli de lumière.
Troy : Oui, vraiment. Même si on peut ne pas en avoir l'impression. Quand tu écoutes la dernière note de Johanna, quand elle dit « Now I know », pour moi c'est très positif. Ça te tire vers le haut même si le morceau paraît sombre et mystérieux. Elle réalise quelque chose et ce cri est une sorte de choc face à cette nouvelle. J'espère que cela sera bien rendu dans la vidéo du morceau. Quand elle dit « I know », vraiment : il se passe quelque chose. Encore une fois, la vidéo ne dévoilera pas tout. D'ailleurs, ce qui est étonnant avec « Night 13 », c'est que le morceau a donné une autre inspiration aux créateurs du clip. Je leur ai donné un synopsis et un storyboard. Et la réalisatrice, une jeune femme dans la vingtaine, a mal compris la première phrase du morceau. Elle a entendu « I Woke » (je me réveille) au lieu de « I Walk » (je marche), et elle a instantanément eu une perspective différente du morceau. Elle disait : « J'imagine qu'il y a une sorte de lit ici, mais est-ce qu'il ne pourrait pas plutôt être perdu entre différents mondes, sans être humain, et sans savoir où il est ? ». Et j'ai répondu : « Absolument ! ». Car c'était exactement ça. Il ne sait pas où il est. Et cette attitude du personnage apporte beaucoup à l'aspect artistique de la vidéo. C'est comme lorsque quelqu'un écrit un scénario à partir d'un livre : il l'interprète à sa façon et en tire son essence, la conserve et la manipule visuellement. J'adore ça. Vous pouvez le voir dans la vidéo, selon votre degré de réception.
Guillaume : Et est-ce que le clip permet de comprendre le titre du morceau ?
Troy : Non ! (rires)
Tuomas : Mais il y a une signification. Le nombre 13 n'est pas choisi au hasard. Il y a une signification, mais nous ne vous la dirons pas.
Troy : Est-ce que ça a à voir avec un chiffre porte-bonheur ou avec le nombre de bouteilles dans ma cave ? Tout est possible ! (rires)
Sabrina : La dernière chanson, « Them Thar Chanterelles », est une chanson aux accents irlandais avec beaucoup de violons et de choeurs. Pouvez-vous nous en dire plus, et en particulier sur ce « featuring Liquor in the Well » ?
Tuomas : « Featuring Liquor in the well » représente en fait la dernière partie de la chanson.
Troy : Oui, car c'est une chanson en deux parties. Thématiquement aussi. La femme marche dans la forêt et ramasse des champignons et le monde commence à chanter autour d'elle, comme si elle était tombée sur un puit d'alcool (« liquor in the well »). Puis tout commence à prendre de l'ampleur... Quant à la musique, c'est une danse universelle sur la vie et son absolue présence. C'est ça, le « liquor in the well ». Il ne s'agit pas d'invité ou autre.
Guillaume : Et d'ailleurs, après quelques recherches, on a remarqué que « them thar » est une expression typiquement américaine, qui trouve son origine à l'époque de la ruée vers l'or. Est-ce que cela a un rapport de près ou de loin ?
Troy : Pas vraiment, parce que ce titre, c'est de la faute de Johanna ! Elle avait vraiment bu quelques verres de champagne avant d'aller chercher des champignons. Et elle a essayé de dire « Them there chanterelles ». (Troy imite une personne saoule) Et ça sonnait comme « Them Thar Chanterelles ».
Tuomas : Et on trouvait ce titre tellement génial qu'on l'a gardé comme ça ! (rires)
Sabrina : la première chose qu'on remarque en écoutant l'album, c'est l'atmosphère que vous avez créé. La première fois que nous l'avons écouté, c'était il y a deux semaines : nous étions en Norvège en train de regarder des aurores boréales, et ça semblait être le moment vraiment idéal pour découvrir Auri. Comment aimeriez-vous que les gens écoutent l'album pour la première fois ? Peut-être un endroit, une heure particulière ?
Troy : Ca dépend de votre horloge biologique. (rires)
Johanna : Moi j'aime écouter cet album quand je voyage. Dans un train ou dans un avion, quand je peux voir de beaux paysages défiler devant moi. En particulier quand on vole au-dessus des nuages. C'est magnifique. L'album est un voyage à lui tout seul, avec des paysages qui lui sont propres. Mais c'est comme chasser les aurores boréales, c'est le sentiment qu'il y a derrière qui compte. Et puisque l'album est comme un voyage, tu peux le rattacher à n'importe quel film, paysage ou voyage que tu souhaites.
Tuomas : Je dirais que tout ce que tu aimes faire est un bon moment pour découvrir l'album. Quelle que soit l'heure ou le lieu. Bien sûr il est préférable de vraiment écouter l'album, pas de lancer la lecture pendant que tu passes l'aspirateur ! (rires)
Troy : Sauf si tu aimes vraiment ça ! (rires) Mais oui, donnez toute votre attention à cet album, oubliez le reste pendant que vous l'écoutez pour la première fois. C'est ce qui marchera le mieux. Ça a marché pour nous en tout cas. Car aujourd'hui on en est arrivé au point où on ne se souvient plus de l'avoir créé. Quand je l'écoute, ce n'est plus nous que j'entends. Je sais que c'est nous qui l'avons fait, mais c'est devenu tellement pur que j'en ai oublié la création et que je peux l'écouter comme je devrais l'écouter, directement. Et c'est quelque chose de rare de pouvoir faire ça !
Guillaume : A propos de vos photos promo, après quelques recherches, on a retrouvé l'endroit où elles ont été prises. Il s'agit des Cornouailles, et plus précisément du coin de Rocky Valley. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces photos et sur le travail du photographe, Tim Martindale ?
(Ils sont impressionnés en voyant la photo)
Troy : Wow ! Vous avez fait de belles recherches ! (rires) On a eu de la chance, car Tim Martindale, qui travaille sur des bateaux, a accès à des endroits où les touristes ne peuvent pas aller. Cet endroit contient des formations rocheuses fantastiques et étranges, ce qui rend la zone un peu magique et rare. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit, je ne suis pas géologue. Tim connaissait donc cet endroit et nous y a emmenés. Et en plus d'être un très bon photographe, il est aussi très agile et n'avait aucun problème pour escalader les rochers et trouver la meilleure vue possible, tel un aventurier. Tim a vraiment été un atout pour nous et nous a poussé à faire ces belles photos.
Tuomas : Et nous avons fait ces photos avant même de commencer à enregistrer l'album. Ça nous a un peu obligé à finir l'enregistrement ! (rires)
Nicolas : Est-ce que vous prévoyez de faire des concerts à l'avenir ?
Johanna : Oui on aimerait vraiment en faire à un moment donné. Quand on aura le temps pour le faire correctement.
Tuomas : On a quelques obligations qui approchent avec Nightwish, et Johanna a quelques obligations aussi de son côté. Mais je pense vraiment qu'une fois qu'on aura sorti un deuxième album dans quelques années, peut-être même plus tôt que prévu, nous aurons besoin de faire une tournée !
Guillaume : Pourra-t-on espérer vous voir ailleurs qu'en Finlande ?
Tuomas : Oui absolument. En fait j'ai eu une vision, une forte prémonition il y a trois heures : en 2022, nous feront une tournée d'une cinquantaine de dates en Europe !
Troy : Il est très bon pour les prémonitions. Bien que moi-même j'ai eu cette vision, mais avec 72 dates au lieu de 50.
Tuomas : On coupera la poire en deux, disons 61 dates ! (rires)
Troy : Notre intention est de continuer à développer ce groupe. On veut en explorer davantage avec Auri. Je veux dire par là que Nightwish est un énorme monstre, un gigantesque Behemoth, que l'on peut apercevoir de partout. Mais pas Auri.
Tuomas : (à Troy) J'ai bien aimé la métaphore que tu as faite tout à l'heure.
Troy : Ah oui ! En fait, Nightwish, c'est un énorme paquebot. (Tuomas imite le bruit d'un paquebot) Et Auri, c'est le petit yacht à côté, où on boit du champagne...
Tuomas : ... navigant d'un port à l'autre, voilà.
Troy : Et, régulièrement, le paquebot Nightwish nous appelle, et on rapplique. On aime les deux, vraiment. Et il n'existe pas d'aussi beau paquebot que Nightwish ! (rires)
Guillaume : Johanna, en Novembre dernier, tu as participé à un show spécial appelé « Järven Tarina Ja Metsän Tarina » (« Une histoire de lac et une histoire de forêt ») durant lequel tu as rejoint un choeur de 40 personnes, en tant que chanteuse soliste. Ce concert parlait de la nature, les forêts, les lacs, et l'atmosphère générale nous a rappelé Auri. Peux-tu nous en dire plus ?
Johanna : Et bien, j'adore les musiques de films. C'est d'ailleurs ce que j'écoute le plus durant mon temps libre, avec le metal. J'étais très heureuse d'être invité à participer à ce show. En fait, ils ont fait un très beau documentaire sur les forêts et, un an après, ils en ont fait un sur les lacs. Ils m'ont alors invité à être la voix d'une sorte de l'esprit de l'eau, ce qui collait parfaitement à la nature finlandaise.
Troy : C'est l'histoire de la vie d'un lac pendant un an, c'est ça ? C'est excellent.
Johanna : Oui, et quelques temps plus tard, la production est revenu avec l'idée de faire un de ces concerts, comme le fait Hans Zimmer. Ils voulaient faire quelque chose d'équivalent en Finlande, car ça n'avait encore jamais été fait. Ils ont donc combiné des images de ces deux documentaires, et en ont fait quelque chose de nouveau pour la scène. C'était vraiment un plaisir de participer à ce show : nous aimons tous ce genre de films et de musique. Et je rêvais de pouvoir participer un jour à un projet comme celui-ci. J'ai donc tout de suite dit oui !
Tuomas : J'étais présent et j'ai trouvé ça vraiment extraordinaire. Ils devraient en faire plus souvent. C'est quelque chose qui commence à se faire dans le monde. Ils vous montrent les films en jouant en live les musiques avec un orchestre, et je trouve ça super.
Sabrina : Est-ce que cela a été filmé ?
Johanna : Non malheureusement. Ils l'ont filmé pour une utilisation promotionnelle et pour créer d'autres shows, mais pas pour une sortie en DVD.
Troy : C'est une particularité qu'ont en commun les films documentaires : ils n'ont pas bande originale disponible séparément. Des documentaires comme « Blue Planet » deviennent des classiques mais tu ne peux pas acheter leur musique. Tu dois acheter le film si tu veux écouter la musique qui va avec, c'est assez courant.
Guillaume : Pour finir, peux-tu nous dire quelques mots à propos de ça ?
(Tuomas, Troy et Johanna éclatent de rire en voyant la photo)
Johanna : (à Troy) Dis nous tout !
Troy : C'était à la fête de Noël de Big Bryan (Bryan Josh), un de mes amis : il a un groupe au Royaume-Uni appelé Mostly Autumn. Je le connais depuis des années : il a insisté pour que je mette ce bonnet de Père Noël, puis que je me lève et vienne chanter « Comfortably Numb » de Pink Floyd. Avec cet accoutrement.
(Ils rient tous)
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