Il se dégage une atmosphère particulière autour de Broken Crown Halo, déjà parce que nous apprenions le changement de line-up quelques heures à peine après la fin de notre interview avec Andrea, conférant aux propos rapportés une sorte de double sens que nous n'avions pas suspecté à priori.

Ensuite parce qu'il est d'une noirceur assez ultime : tous les morceaux s'inspirent du cinéma, en particulier des films d'horreur, et évoquent la survie dans un monde dystopique. Enfin, parce qu'il a été composé dans des conditions inhabituelles, en grande partie par le bassiste Marco (Coli Zelati) contraint au repos forcé, et enregistré intégralement en Italie. L'album est par ailleurs produit par Jay Baumgardner, lequel s'il n'a pas sauté de la stratosphère (contrairement à son presque homonyme Baumgartner), a par ailleurs bien d'autres mérites, comme celui d'avoir su apporter sa patte à un nombre impressionnant de tubes de la scène rock et metal américaine (notamment pour des groupes comme Papa Roach, Evanescence ou POD).

De prime abord, il n'est pas évident d'être très descriptif au sujet de Broken Crown Halo, tant l'album se situe dans la veine de son prédécesseur et en reproduit sensiblement les mêmes recettes. Sans surprise, Lacuna Coil développe un bon metal gothique, sombre et entraînant à la fois, mais qui devrait susciter une sorte de statu quo auprès des auditeurs : ceux qui avaient apprécié Dark Adrenaline devraient s'y retrouver sans difficulté, tandis que ceux qui l'avaient boudé continueront d'attendre le digne successeur de Comalies ou Karmacode.

Dès les premières écoutes, il est plaisant de retrouver Andrea Ferro et Cristina Scabbia dans leurs postures vocales habituelles, couvrant un panel de voix toujours aussi varié, allant du chant death pour Andrea (en particulier sur le très oppressant « Zombies ») aux envolées orientales de Cristina (« I Burn In You », ou « Infection » qu'on est tenté de comparer à « Intoxicated » sur Dark Adrenaline), en passant par des paroles parfois « rapées » (quelques répliques de Cristina sur « Victims » et d'Andrea sur « Infection »). Cristina n'hésite pas à osciller entre un chant perché dans les aigus (flagrant sur « In The End I Feel Alive ») et un chant beaucoup plus grave (quitte à en devenir méconnaissable sur « Victims »). Comme à chaque album, on peut opérer quelques légers rapprochements, tantôt avec Paradise Lost, tantôt avec Linkin Park, aussi bien sur le plan des compositions que sur celui du chant d'Andrea.

Une poignée de morceaux constituent le haut du panier. On pense d'abord à l'excellente entrée en matière que constitue « Nothing Stands In Our Way » : la dualité entre le chant clair de Cristina et le chant death d'Andrea n'y est sans doute par pour rien. Mais le point culminant de l'album est atteint avec « Die And Rise », un hit live en puissance, avec ses lourdes guitares en amorce de titre, accompagnées par les lignes vocales assez rocailleuses d'Andrea sur les couplets, puis rejointes par Cristina pour un refrain absolument ravageur. Lacuna Coil signe là un morceau catchy à souhait qui devrait à coup sûr donner envie de jumper dans la fosse ! On apprécie également « In The End I Feel Alive » et son long final instrumental mené par le tripant trio batterie / basse / clavier, ou encore le déconcertant « I Burn In You » : prenez un morceau planant doté d'une intro aux sonorités asiatiques, à laquelle un gros son de basse prend le pas, et au final, vous avez un morceau mid-tempo durant lequel on passe un agréable moment.

Broken Crown Halo est un album très homogène, jusque dans la forme puisque tous les morceaux durent 4 minutes, à l'exception de « One Cold Play » qui présente de nombreux points communs avec « My Spirit » (Dark Adrenaline) : en effet, ils représentent les pièces les plus longues (autour de 6 minutes) et concluent leur album respectif, ils se composent de grandes envolées atmosphériques et de longs solos de guitare, mais, note plus triste, ils constituent aussi tous les deux un hommage à un artiste décédé (leur ancien guitariste Claudio Leo sur « One Cold Play », et Peter Steele sur « My Spirit »).

En définitive, avec Broken Crown Halo, nous tenons un album facilement assimilable dès les premières écoutes, et vers lequel on revient finalement volontiers. Lacuna Coil signe un album relativement court (à peine 47 minutes) mais sans aucune « fausse note » dans le tracklisting. Pour ma part, chaque album de Lacuna Coil constitue un interlude appréciable parmi la jungle des groupes de métal à chant féminin, car comme à son habitude, le groupe évite le déferlement de fioritures : les compositions sont plutôt sobres, c'est à dire qu'elles ont l'avantage d'être simples sans être simplistes, et faciles à assimiler sans être lassantes.