Nicolas : Votre nouvel album est probablement un des plus riches que vous ayez composé. Peux-tu nous en dire plus sur sa création ?
Jan : Oui, c'est un album très varié et avec beaucoup de styles et de nombreuses émotions différentes. Nous avons commencé à écrire de nouvelles chansons juste après la sortie de Secret Passion en 2011. Cette fois-ci, j'avais envie d'une approche plus directe. J'avais le sentiment que nous nous étions un peu trop rapprochés d'une musique progressive pour notre album précédent. Les morceaux étaient sympas à écouter, mais moins sympas à jouer en live. J'ai donc voulu écrire des chansons plus faciles dans leur construction, pour les jouer et pour les écouter, en espérant qu'elles soient plus simples à se souvenir et à apprécier. J'ai voulu faire un retour aux sources. J'ai ainsi écrit de nouvelles chansons lorsque mon boulot me le permettait, et dès qu'une démo était prête, je l'envoyais à Helena et aux autres gars du groupe. C'est parfois difficile de trouver de l'inspiration quand tu es dans ta routine quotidienne, alors j'ai investi dans un studio mobile et une guitare facile à transporter. Alors j'ai pu composer quand je le voulais, même durant mes vacances en Extrême-Orient. Ce fut efficace et début 2015, j'avais assez de chansons à enregistrer. Notre ami norvégien Audun a apporté de son côté deux chansons supplémentaires. Une fois les chansons prêtes, les autres membres du groupe ont fait quelques suggestions et nous avons réalisé quelques ajustements ensemble, jusqu'à obtenir des chansons prêtes à être enregistrées. En Mai, nous sommes allés en Allemagne, aux studios Spacelab, pour enregistrer la batterie, et j'ai travaillé là-bas avec notre batteur Steve pour finaliser chaque morceau. En fait, on continue de composer et d'arranger les morceaux même durant les enregistrements.
Comment est née l'idée d'ajouter des éléments celtiques à cet album ?
On a toujours eu des éléments orientaux dans nos albums, depuis notre première chanson « Lotus Eaters », une reprise de Dead Can Dance. Cette fois-ci, j'avais envie d'aller un peu plus dans le folk. Je suis moi-même un fan de folk et j'avais donc envie d'explorer un peu cette voie là. Bien sûr, Helena aime aussi. Comme nous venons d'un pays nordique, qui sait, peut être qu'on a ça dans le sang ? Pour les instruments, j'ai demandé de l'aide à des musiciens spécialisés dans ce type de musique, plutôt qu'essayer de les imiter au clavier. Je suis très content que Dagda, du groupe de folk espagnol Celtibeerian, ait accepté de jouer de la cornemuse et de la flûte. Hittavainen (ex-Korpiklaani) est aussi sur l'album : il joue de la flûte et du pipeau. Nous avons aussi sur un des morceaux un joueur de bouzouki, Bjonnis, qui vient de Norvège. Et un brillant joueur de violon, Henrik Perello. Je trouve que ces petits « extras » font toute la différence dans les chansons. Et cela sonne naturel et vrai. On a d'ailleurs suivi le même concept pour la batterie : nous n'avons pas utilisé d'artifices pour intensifier le son de la batterie, comme le font de nombreux groupes. On a laissé la batterie sonner d'une façon plus acoustique et dynamique. Je trouve que ça fonctionne vraiment très bien ainsi.
Peux-tu nous expliquer pourquoi l'album s'appelle « Tears Of Silence » ? (les larmes du silence)
C'est un titre très personnel choisi par Helena. Elle a vécu pas mal de moments difficiles ces dernières années et ce titre représente ce qu'elle peut ressentir. Quand tu ne peux pas faire grand chose face à une situation compliquée, tu as l'impression que même le silence pleure. J'ai voulu donner au titre un peu d'espoir sur la pochette de l'album : j'y ai mis en scène Helena, avec des larmes coulant de ses doigts, mais ces larmes se transforment en papillons. Même dans le chagrin, on peut trouver de la beauté. Je trouve que c'est un titre très joli pour l'album et qui convient pour la plupart des paroles des chansons.
Est-ce que les chansons de l'album ont un thème récurrent ?
Oui et non. Dans la plupart des chansons, Helena parle du fait que sa fille lui manque, mais d'autres chansons sont plus axées metal ou folk, et d'autres parlent simplement d'amour. Peut être que le thème récurrent pourrait être le chagrin. Je ne veux pas jouer le « gothique » ici, mais c'est un album assez triste quand même. Peut-être que « triste » n'est pas le meilleur mot. Je dirais plutôt « profondément émotionnel ». Dans certaines chansons, on peut clairement entendre dans la voix d'Helena qu'elle semble désespérée. Ça apporte un gros impact aux chansons.
Comment s'est déroulé le travail avec Oliver Philipps, pour les orchestrations ?
On connait Oliver depuis très longtemps. C'est un peu un membre non officiel du groupe. Je travaillais déjà avec lui en 1997 et il s'occupe des orchestrations pour Imperia depuis 2005. Quand j'écris la musique, j'écris aussi les parties orchestrales et les parties au clavier, mais il est clairement un génie à ce niveau-là, et il rejoue et corrige généralement tout. Il remanie l'ensemble, ajoute ce qu'il faut et me demande ce que j'en pense. Au final on repart toujours de ce qu'il a fait. Il avait l'habitude de travailler dans le studio où nous enregistrions l'album, et autrefois on travaillait ensemble, assis l'un à côté de l'autre. Aujourd'hui, on ne peut plus faire ça et on utilise Skype. Ce n'est malheureusement pas pareil mais on prend toujours autant de plaisir. Nous sommes devenus des amis proches avec le temps et je ne me vois pas faire un nouvel album d'Imperia sans lui.
Il n'y a pas de claviériste dans le groupe. Ça ne vous manque pas, parfois ?
Si, ça nous manque, et ce serait super d'avoir quelqu'un pour jouer en live avec nous aussi. Oliver a déjà joué au clavier en live pour mon autre projet, Satyrian, mais je n'ai encore jamais réussi à le convaincre de monter sur scène avec Imperia. En tout cas, oui, ce serait super d'avoir quelqu'un de permanent avec nous, mais c'est très difficile de trouver la bonne personne. Notre ami norvégien Audun l'a fait une fois, à Rotterdam, mais il joue également de la guitare pendant les concerts... Alors on cherche encore...
Imperia est un groupe international (Finlande, Norvège, Belgique et Allemagne). Comment arrivez-vous à vous organiser pour composer des nouvelles chansons ? Et en général, est-ce plutôt une chance ou un handicap d'être un groupe international ?
Pour la composition, ça ne change pas grand chose, puisque je compose de mon côté, chez moi en Finlande. Mais pour les concerts et les répétitions, c'est une autre histoire. Quand on a commencé en 2004, on vivait tous à côté les uns des autres. Je vivais à Amsterdam, Helena à Groningen (en Hollande), Gerry était juste à la frontière belge et Steve, notre batteur, à Cologne à deux heures de route de chez nous. C'était donc plutôt facile de planifier nos répétitions et de monter sur scène dans le Benelux. Aujourd'hui, nous ne jouons plus du tout ensemble. Alors désormais, on apprend les chansons de notre côté, et on se retrouve un jour avant le concert pour louer un studio de répétition pour la journée. C'est par exemple ce qu'on a fait pour Londres, la dernière fois. On a loué un studio de répétition en plein milieu de Soho. Ça a parfaitement fonctionné et on s'est bien amusé. Mais c'est bien sûr très compliqué. Organiser une tournée est aussi très difficile car il faut toujours prendre l'avion maintenant. On ne peut pas juste monter dans une voiture et aller à la salle de concert. Cela rend les déplacements bien plus chers aussi...
Pour la seconde fois dans l'histoire d'Imperia, vous avez enregistré une chanson en norvégien. Peux-tu nous dire pourquoi vous avez choisi de le faire pour cette chanson en particulier et ce qu'elle signifie ?
La chanson parle du fait que la liberté sera toujours la chose la plus importante au monde. Je trouvais que cette chanson avait besoin d'une touche un peu différente. Et le norvégien a un côté « mystique » qui rend la chanson plus folk. C'est ce que j'aime dans ces langues natives, et Helena aime chanter en norvégien. C'est une langue que je comprends pas trop mal, car en Finlande on parle aussi le suédois qui se rapproche du norvégien. Je pense que, pour vous, ça doit sonner assez exotique, mais on espère que ça va inspirer les gens. J'aime écouter de la musique avec de nombreuses langues différentes : allemand, français, espagnol... La plupart du temps, je n'ai aucune idée de ce que l'artiste peut raconter, mais la musique prend le dessus, vous donne des ailes et vous pouvez imaginer ce que vous voulez. Ne soyez pas surpris... mais si j'écoute par exemple Laura Pausini, je ne sais pas du tout ce qu'elle raconte, mais c'est aussi pour cette raison que j'aime l'écouter. J'espère avoir réussi à créer le même effet avec une chanson en norvégien. Ça la rend intéressante, d'une certaine façon, et cela permet de libérer votre esprit. Dans cette chanson en particulier, les instruments folk dominent la mélodie principale et le chant est juste posé par-dessus, d'une façon très simple. Ça crée une atmosphère fascinante. J'espère vraiment que les gens comprendront ce que nous avons voulu faire ici.
Et as-tu déjà envisagé d'écrire une chanson en finnois, ta langue natale ?
Oui, j'y ai déjà pensé. Mais le finnois est une des langues les plus compliquées du monde, donc je ne pense pas que cela se fera. On en fera peut-être une un jour en néerlandais, ou en allemand, parce que chanter dans ces langues ne serait pas compliqué pour Helena qui a longtemps vécu aux Pays-Bas. Mais sinon, oui, pour les raisons évoquées plus haut, j'adorerais le faire. On devrait peut-être le faire plus souvent.
Envisagez-vous une nouvelle tournée ? Des dates françaises ? Ou bien une apparition dans un festival, comme le Metal Female Voice Festival ?
On y travaille en ce moment. Il y aura au minimum une tournée au Royaume-Uni en août prochain. Ce serait bien de venir en France. J'espère que des salles voudront bien de nous. Rien n'est encore complètement arrêté mais on aimerait vraiment. Et oui, le MFVF serait super aussi. On verra...
L'album « A Woman's Diary », présenté comme le projet solo d'Helena, est sorti il y a déjà dix ans ! Comme il était sous-titré « Chapitre 1 », peut-on espérer la sortie d'un chapitre 2 un jour ?
C'est vrai, ça fait déjà dix ans. Comme tu le sais, c'était un album joué par Imperia. Une sorte de projet parallèle du groupe. Même une fois, on a fait un concert dans lequel Angel faisait la première partie d'Imperia. (rires) On était alors monté sur scène pour jouer les morceaux pop d'Angel, puis il y avait eu une pause, et ensuite on était remonté sur scène pour un concert d'Imperia. C'était vraiment marrant. Mais nous étions tellement occupés à l'époque qu'il ne nous était pas possible de nous investir davantage dans Angel. C'est pour ça qu'au final, nous n'avons fait que quelques concerts en tant que « Angel ». Je sais qu'Helena pense à un chapitre 2 depuis des années, mais nos vies ont été très chargées depuis. Cela dit, je pense qu'il arrivera un jour. Je suis persuadé qu'elle a plein d'idées, et j'ai aussi du matériel pop en tête, si besoin. Je suis sûr que les autres membres du groupe aussi. Alors qui sait ? Mais dès qu'Helena voudra se lancer dans un deuxième album, elle sait que je serai sans problème là pour l'aider...
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