Elise : Nous sommes particulièrement contents de te parler aujourd'hui puisqu'en 2012, ici-même, nous avions interviewé Tuomas et Marco et nous leur avions demandé quand est-ce qu'ils allaient enfin t'annoncer comme membre officiel du groupe !
Troy : Oh, c'est splendide ! (rires)
Elise : Ils nous avaient alors répondu que tu n'étais pas spécialement intéressé par le poste à ce moment-là. Alors, qu'est ce qui a changé ?
Troy : Je n'arrive pas à mettre le doigt sur une raison particulière mais au fur et à mesure que la tournée avançait, nous commencions à nous amuser de plus en plus ensemble. Et les possibilités musicales que nous avions en tête pour le prochain album m'ont aidé à faire ce choix. Ça s'est fait finalement assez naturellement. J'adore ce que je fais, je les adore également, alors lorsqu'ils me l'ont demandé, j'ai dis : « oui bien sûr ! » C'était mignon, car ils sont venus me voir en me disant : « Nous te considérons déjà comme un membre du groupe, mais histoire de le rendre officiel, est-ce que tu veux bien rejoindre le groupe ? ». Et J'ai répondu : « non, allez-vous en ! » (rires) Non, bien sûr, j'ai accepté avec plaisir.
Nicolas : Parlons maintenant un peu de la tournée. Comment est-ce que cela se passe jusqu'à maintenant ?
Troy : La meilleure façon de décrire comment se passe la tournée serait le mot « extatique ». (rires) Et je n'imagine pas une seule seconde cette tournée devenir moins bien ensuite. Elle devient même meilleure de jour en jour. La production est vraiment bien rodée, et chaque soirée est un réel plaisir. Nos fans sont juste les meilleurs fans qui soient ! Et en particulier après les horreurs à Paris, le sentiment de famille et de communion avec les fans n'a jamais été aussi fort. Ils ont surpassé cet événement. Il y a un vrai sentiment de « rien ne pourra nous arrêter » et cela me fait très plaisir. À ce sujet, on nous a conseillé, avant que le concert ne commence, de diffuser une annonce informant le public que le concert contenait des explosions et de la pyrotechnie.
Sabrina : Oui, nous avons vu plusieurs affiches dans la salle pour le signaler. Je pense que les gens sont avertis.
Troy : Ah, c'est bien, parce que le concert commence par un gros « boum » et on ne voudrait pas faire fuir les gens dès le début... (rires)
Guillaume : Pour revenir aux attaques terroristes à Paris, plusieurs groupes, comme les Foo Fighters, ont décidé d'annuler leurs tournées européennes. D'autres groupes comme U2 ou Motörhead n'ont pas été autorisés à jouer. Avez-vous envisagé cette possibilité ? Et avez-vous rencontré depuis des difficultés particulières à la frontière ou pour le concert ?
Troy : C'est une bonne question. En fait, nous n'avons rencontré aucune difficulté, ça nous a même impressionné. Nous avons tous été très bouleversés et choqués par ce qui s'est passé. N'importe quelle attaque terroriste est choquante, et malgré cela, presque instantanément, les français, les parisiens et tous les pays de l'ouest ont proclamé : « on les emmerde, nous n'allons pas nous laisser terroriser par ces fous, ces idiots, et nous allons continuer à vivre comme avant ! » C'est pourquoi ça m'a un peu déçu de voir que Foo Fighters et d'autres groupes annulaient. Et je pense que ça va plus les desservir qu'autre chose : les premiers retours sont assez négatifs. Sur le web les commentaires étaient assez mauvais pour le groupe : « Foo Fighters sont des trouillards » etc... Il était important pour nous de jouer si les promoteurs et les fans voulaient que nous jouions. Et tous nos promoteurs étaient d'accord. Nous n'avons eu aucun doute là-dessus. Notre décision était prise, et nous avons alors publié notre message sur internet pour montrer notre solidarité aux français. Et tout va bien depuis ! Les réactions des fans sont même encore plus euphoriques !
Guillaume : Et vous n'avez eu aucun problème à la frontière ?
Troy : Non, aucun ! Ça m'a surpris. Nous dormions tous, parce que nous avions un voyage de 12 heures de bus entre Oberhausen et Lyon. Et nous pensions qu'on allait nous demander de descendre du bus et qu'on serait fouillé etc. Mais il n'y a rien eu. Je pense que la police française a été raisonnable. Ils ont vu que nous étions un groupe de rock, et qu'on ne ressemblait pas à des terroristes islamiques. Je ne suis pas le genre de mec à faire « Allah Akhbar » (rires). Donc ils ont juste regardé nos passeports et ont dit : « OK, vous êtes un groupe de rock, vous pouvez passer ». Il n'y a eu aucune panique, tout s'est fait calmement et avec raison.
Guillaume : Cette tournée est l'une des tournée européennes les plus courtes faites par Nightwish. Prévoyez-vous de revenir en 2016 pour de nouvelles dates ?
(Troy lance un regard mi-gêné mi-amusé en direction de Toni du management de Nightwish, installé à quelques mètres de nous)
Troy : Non. Enfin, nous reviendrons faire quelques festivals mais je ne suis pas encore sûr. On ne sait jamais, quelque chose pourrait se produire malgré tout... Peut-être à la fin de l'année, un petit truc, nous verrons !
Elise : Vous ne jouez plus l'intro des concerts. Pourquoi ?
Troy : Et bien c'est toujours sujet à débat entre nous ! Moi, j'aime beaucoup l'intro. Tuomas aussi, mais le responsable de la production a suggéré de l'enlever. Mais il n'est pas impossible qu'elle revienne car je l'aime vraiment beaucoup !
Elise : Les fans aussi, il y a beaucoup d'émotion dans cette intro.
Guillaume : Est-ce que c'est parce que le concert dure déjà deux heures ?
Troy : C'est possible mais je pense que l'idée était surtout de créer une sorte de choc : la scène devient noire, le rideau tombe, Richard Dawkins récite sa phrase et ensuite, le grand « boum ». C'est pour l'effet de surprise et je comprends ce qu'ils veulent faire.
Sabrina : Comment avez-vous choisi les premières parties pour cette tournée ? Arch Enemy a par exemple un style musical assez différent du votre...
Troy : Oui, Arch Enemy est complètement différent de Nightwish. Amorphis se rapprochent un peu plus de nous musicalement et nous avions déjà travaillé ensemble. Arch Enemy je ne suis pas sûr. (Troy se tourne vers Toni) Dis Toni, comment avons-nous choisi Arch Enemy ?
Toni : Je pense qu'Ewo (manager de Nightwish) a parlé à Angela, la manager de Arch Enemy, et qu'ils voulaient faire un concert avec plusieurs genres musicaux différents, et quelque chose de plus heavy que Nightwish.
Troy : Ah d'accord, c'était pour le contraste, et je ne le savais même pas ! Ma réaction était plus du genre : « Oh, il y a Arch Enemy ! » (rires) Bref, voilà comment ça s'est fait !
Nicolas : Avez-vous répété d'autres morceaux que nous entendrons prochainement en live ?
Troy : Oui, nous répétons depuis quelques jours trois nouvelles chansons pour la setlist. À Toulouse, nous devrions jouer deux nouveaux morceaux. Ça devrait être intéressant, mais je ne vous en dirai pas plus, ce serait gâcher la surprise !
(Finalement, parmi les nouveautés, le groupe n'aura joué que « While Your Lips Are Still Red » à Paris et à Toulouse, « Edema Ruh », l'un des autres morceaux répétés, n'étant pour l'instant pas suffisamment rodé)
Nicolas : Y a-t-il une chanson que vous ne jouez pas sur scène mais que tu aimerais interpréter ?
Troy : Et bien étrangement, une de ces trois chansons que nous répétons est celle que je voulais vraiment jouer plus que tout ! J'aime vraiment cette chanson, je trouve qu'elle a une magnifique atmosphère. Mais il y a d'autres morceaux qui ont été écartés de la setlist et qui me manquent un peu. Mais ils faut aller de l'avant, je suppose ! (rires)
Elise : Vous avez filmé plusieurs concerts de cette tournée. Avez-vous prévu d'en filmer d'autres ? Et avez vous une idée de ce que vous allez en faire ?
Troy : Il est évident que nous allons filmer le show à Wembley Arena. Je pense qu'il fera parti du DVD/Bluray qui sortira l'année prochaine. Nous avons filmé un concert aux Etats-Unis, ainsi que celui pendant le festival de Tampere cet été, et donc il y aura Wembley. Je pense que nous utiliserons les trois. Et on a aussi des prises de vue depuis le public. Ce sera un beau mélange, je pense ! C'est très excitant, ce sera vraiment bien.
Nicolas : Et est-ce que vous pensez déjà au final de la tournée ? Un concert spécial, avec des invités, un orchestre...?
Troy : Non pas encore, mais ce sera le cas dans le futur !
Elise : Nous attendons un concert avec orchestre depuis des années !
Troy : (rires) Ça arrivera, c'est certain, mais pas maintenant. Nous verrons déjà ce qu'il se passera dans un an ou deux.
Elise : Et quels sont vos projets après la tournée ?
Troy : Il y a quelques projets en chantier, dont des projets musicaux. La tournée se termine fin 2016, et l'année 2017 est censée être une année de repos mais nous travaillons tous sur différentes choses. Tuomas et moi travaillons sur un projet en commun. Je ne peux pas encore trop en dire, mais ça va être intéressant. En fait, ce sera un ballet où Tuomas et moi danserons comme des ballerines !
Elise : J'aime beaucoup cette idée !
Troy : Oui, avec juste une musique de fond. Ce sera comme Le Lac Des Cygnes.
Sabrina : Ça semble prometteur.
Troy : (rires) Non, non, Tuomas et moi en tutus, ça ne serait pas terrible à voir... Blague à part, nous comptons vraiment réaliser quelque chose ensemble. Pour nous et pour les autres membres du groupe, cette année de repos sera aussi consacrée à nos familles, notre foyer et ce genre de choses. Et nous reviendrons en 2018 !
Guillaume : Est-ce que tu sais que la salle parisienne Bercy Arena dans laquelle vous jouerez après-demain est la plus grande salle de la tournée ?
Troy : Vraiment ?
Guillaume : Oui !
Troy : Plus grande que Wembley ?
Toni : Oui, la salle a une plus grande capacité.
Troy : Wow, je ne savais pas !
Nicolas : Voilà pourquoi vous devriez choisir Paris pour jouer les deux nouveaux morceaux de la setlist !
Troy : (rires) Oui, j'aimerai qu'on puisse le faire.
(Et finalement, c'est ce qu'ils allaient faire pour un des deux morceaux !)
Guillaume : Quel est le sens du message « wake up or die » (« réveille-toi ou meurs ») quasi-subliminal qui apparaît sur l'écran géant à la fin du morceau « Weak Fantasy » ?
Troy : (rires) J'adore ce message subliminal ! J'ai été surpris que les fans s'en rendent compte aussi vite car il apparaît tellement furtivement que je pensais que personne ne le verrait. Et quelques jours après seulement, nous avons vu plein de photos de ce passage sur internet ! Rien n'échappe jamais aux fans ! (rires) « Wake up or die » est une référence au film Religolous, un film brillant de Bill Maher. C'est un de nos films préférés, il est excellent. À la fin du film, il dit : « wake up or die ». On s'est dit que ce serait bien de mettre cette petite ligne subtile à ce moment là. Voilà d'où ça vient.
Sabrina : Pendant « The Greatest Show On Earth », on peut voir des photos de plusieurs personnes projetées sur l'écran, juste avant les « we were here ». Comment avez-vous choisi ces photos ? S'agit-il juste de photos de banque d'images ou bien de gens que vous connaissez ?
Troy : À la base, ça ne devait être que des photos de banque d'images pour les shows de Tampere et Joensuu, les deux seuls concerts qui auraient toute la production, avant la tournée. Mais pour la tournée, on nous a suggéré de rajouter des photos personnelles. On peut donc y voir ma mère et mon père, ainsi que les parents de Tuomas et de Marco. Je crois que la grand-mère de Marco apparaît également. Il y a aussi les parents de Floor. En fait, il y a tous nos parents mais cela va tellement vite qu'il est difficile de les voir. Mais je vais vous donner un tuyau : les photos qui contiennent une sorte de brume autour sont des photos personnelles. Celles qui apparaissent aussi claires que des photos de passeport sont juste des photos de banque d'images.
Nicolas : Quelles ont été les réactions des fans et de ton entourage pour l'album Endless Forms Most Beautiful ?
Troy : Ce fut incroyablement puissant et positif, vraiment. Ce qu'il y a de bien avec les vrais fans de Nightwish c'est qu'ils aiment réellement la musique. Ils vont comprendre un morceau aussi ambitieux que « The Greatest Show On Earth », mais ils apprécieront aussi un morceau un peu à part comme « The Eyes Of Sharbat Gulah ». Ils vont donner leur chance à tous les morceaux, même lorsqu'un morceau est un peu moins dans le style habituel de Nightwish. Ils vont l'écouter, le commenter. Par exemple, un morceau comme « The Greatest Show On Earth » est très long, et proche du rock progressif. On pensait que peu de fans auraient la patience d'apprécier ce morceau et au contraire c'est un de leurs favoris. La réaction pendant les concerts est phénoménale. Quand nous la jouons, tout le public des premiers rangs est calme durant la première partie du titre avec le piano, et l'atmosphère dans la salle est électrique. Tout le public est debout et calme, sans rien faire, comme s'ils étaient hypnotisés. C'est une expérience très forte depuis la scène, de voir une grande salle dans cet état de calme. C'est fantastique.
Nicolas : Et aucun ami ou personne de ton entourage n'est revenu sur le fait que vous ayez invité Richard Dawkins, comme l'ont fait certains fans sur internet ?
Ecoutez la réponse de Troy
Troy : Non, aucun de nos amis, mais parce que la plupart de nos amis ont le même avis que nous et les mêmes centres d'intérêt. (rires) Mais on a reçu quelques retours moins sympathiques de la part de personnes un peu étroites d'esprit, lesquelles, avant même d'écouter l'album, ont fait des suppositions au sujet de sa présence sur l'album. C'est un scientifique brillant, un expert dans son domaine et un homme merveilleux. Personne ne peut revenir là-dessus. Il dit des choses très belles, et lorsque l'album est sorti, toutes les complaintes et les conneries religieuses se sont calmées. Ces gens se sont dit : « bon OK, il ne dit rien à propos de Dieu, donc ça va ! » (rires) C'était vraiment incroyable d'avoir Richard Dawkins sur cet album. En fait, tout est venu d'un pari entre Tuomas, Jukka et moi, après cinq grand verres de vin en Nouvelle-Zélande. Nous étions dans la chambre de Jukka et ils m'ont mis au défi de contacter Richard Dawkins. Et j'étais comme ça (Troy imite un homme saoul) : « Oh bien sûr que je peux le faire, j'arriverai à avoir Richard Dawkins, même si c'est la dernière chose que je fais ! » Et le lendemain matin, je me suis dis : « Oh mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ? » Donc ensuite j'ai du me mettre en quête de le trouver... Et je l'ai trouvé !
Guillaume : Est-ce que tu sais comment l'idée du mot français « élan » est venu à Tuomas ?
Troy : En fait, « élan » est un mot français mais il est aussi utilisé en anglais.
Elise : Ah OK, parce que nous n'avons pas trouvé de référence pour ce mot.
Troy : Oui, c'est aussi un mot anglais, ou plutôt un mot du lexique anglais. Il fait partie de notre langue, comme « panache » ou « je ne sais quoi ».
Elise : Ou « ménage à trois » !
Troy : Oui, « ménage à trois », oh oui ! (rires) Nous avons juste pensé que « élan » était un très beau mot. Son origine française était secondaire. Et sa signification allait parfaitement avec la chanson donc c'est pour cette raison que nous l'avons choisi.
Sabrina : Allez-vous continuer la promotion de l'album avec un nouveau single ou une nouvelle vidéo ?
Troy : Non, je pense qu'on en a terminé avec la promotion de l'album. Nous en avons fait assez, et nous sommes déjà assez loin de sa sortie. La tournée en elle-même est une grosse promo pour cet album. Il y a déjà des millions de vidéos de nous sur cette tournée. Tout le monde a l'album et tout le monde vient nous voir en concert donc je ne pense pas que nous ayons besoin d'en faire plus.
Nicolas : Et enfin, as-tu des nouvelles de Jukka à partager avec nous ?
Troy : Et bien Jukka devrait sortir de prison en 2019, alors on ira le chercher à sa sortie pour voir ce qu'il devient !
Nicolas : Ah, super !
Troy : (rires) Non, non, je ne peux pas vous laisser là-dessus. Pour parler sérieusement, Jukka est en pleine forme, il va beaucoup mieux. Nous le voyons régulièrement. Nous sommes allés camper ensemble en Septembre, notamment. Il dort comme un bébé et est heureux. Tout va bien.
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